C'était vraiment étouffant, ces soirées mondaines. Et en parlant de s'étouffer, Nolan sentit le petit four qu'il venait de mettre en bouche se coincer au fond de sa gorge. Il se mit à tousser, puis à cracher carrément ses poumons au beau milieu des invités qui se tournèrent vers lui. A travers ses yeux embués de larmes, le jeune homme discerna les contours imprécis des gens, leurs flûtes à champagne en mains, le regarder comme un animal au zoo. Pas un pour se bouger les fesses... Il était seul et il allait crever.

Il se sentit vaciller sur ses jambes mais à cet instant précis, il entendit des bruits de pas précipités. Subitement, quelqu'un l'attrapa par derrière, le souleva brusquement et lui cogna un grand coup dans le thorax. Nolan aurait voulu hurler mais il ne pouvait pas ! Le petit four était toujours coincé au fond de sa gorge et comble de l'ironie, il était parfumé à l'ail ! C'était horrible, il allait mourir et pour tout parfum d'embaumement, il allait puer l'ail pour l'éternité !

Et soudain, le monde cessa de tourner, l'air entra de nouveau dans ses poumons. Il venait d'expectorer le petit four qu'il envoya direct dans le cou du gouverneur de Washington. Strike ! Celui-ci se retourna et lui lança un regard irrité puis reprit vite sa conversation avec la secrétaire d'Etat.
Nolan, toujours un peu secoué par son expérience de mort imminente, se tourna vers son garde du corps.

"Merci Angus..." dit-il en tirant sur sa veste de smoking. "Mais j'aurais pu m'en sortir tout seul."

"ça m'étonnerait, gamin." répliqua le garde du corps avec un regard entendu.

Nolan aimait bien Angus, mais il détestait qu'on l'appelle "Gamin". Hélas, ses bodyguards n'avaient pas compris le message sous prétexte qu'ils étaient trop musclés pour ça. Nolan préférait avoir un cerveau plutôt que de la masse musculaire, mais après, chacun ses priorités dans la vie. Il salua Francis, son autre garde du corps, qui l'observait au pied de l'escalier, puis se dirigea vers la porte.

"J'ai besoin de prendre l'air."

Bien entendu, Angus le suivit comme un toutou. C'était bizarre d'être bodyguard, être payé pour devenir l'ombre de quelqu'un d'autre. Les mains dans les poches, Nolan se retrouva sur les marches de l'entrée menant à la "petite sauterie", Angus à quelques mètres de lui, nonchalamment appuyé contre le mur. Il faisait vraiment discret avec son mètre quatre-vingt dix et ses lunettes noires. Nolan secoua brièvement la tête et s'écarta de lui le plus possible. C'est alors qu'il remarqua une jeune femme qui ne lui était pas inconnue, un peu plus loin. A vrai dire, on ne pouvait pas la louper dans sa robe fushia.

Avec un petit sourire, il s'approcha, priant intérieurement que Angus ait la bonne idée de rester à l'écart. Rien n'était pire que d'être dans l'ombre de son bodyguard bodybuildé, face à une ravissante demoiselle.

– Je te préviens, si tu en rajoutes…

Elle avait dû l'entendre venir. Quand elle se retourna, ses longs cheveux manquèrent de le gifler, mais Nolan considéra que c'était une douce caresse en comparaison du calvaire qu'il venait de vivre. Il évita tout de même l'imposante chevelure en se penchant en arrière, son sourire se transformant en grimace malgré lui.

– Salut Nolan. Alors, la soirée t’ennuie toi aussi ?

Curieusement, quand il se mit à parler, il reconnut à peine le son de sa voix. Elle était éraillée et sourde. Le petit four avait fait de sacrés dégâts. Il tenta de s'exprimer en se décalant légèrement sur la gauche, histoire que la jeune femme ne sente pas les relents d'ail.

"Ennuyer, c'est un euphémisme ! Enfin, j'ai mis un peu d'animation, avant... Mais ça n'a pas été au goût de tout le monde."

Les mains toujours dans les poches, il se balança d'avant en arrière, cherchant un sujet de conversation. Il avait toujours du mal à fasciner les filles, mais avec Katharina, c'était carrément mission impossible. C'est alors qu'il remarqua les talons hauts assortis à la robe qu'elle tenait en main, et comme elle était pieds nus, il proposa une idée qu'il trouva géniale :

"Oh, tu risques d'avoir froid ! Tu veux que je te prête mes souliers ?"

Puis, il se rendit compte -trop tard- qu'il avait tout faux.
Quoi ? QUOI ? Nolan, on ne prête pas ses chaussures à une fille ! Déjà parce que premièrement : on ne sait jamais, ça peut sentir mauvais, et deuxièmement : c'est son MANTEAU qu'on propose à une demoiselle, pas ses CHAUSSURES ! Pourquoi une fille voudrait de tes chaussures, enfin ?!

Et voilà, il venait de mettre les pieds dans le plat, et ses souliers avec.