Je ne sais pas trop par quoi commencer à vrai dire, mon caractère est assez changeant selon les personnes avec qui je suis. Cependant, je suppose que tout le monde s'accorderait à dire que je suis d'une franchise à couper au couteau. Je ne suis pas du genre à passer par quatre chemins. La vérité est une chose importante, c'est comme ça que les gens peuvent découvrir votre vraie personnalité et mentir ne ferait qu'altérer votre "moi" faisant de vous une pâle copie de ce que vous êtes vraiment. Les hypocrites ont certainement beaucoup d'amis, mais au détriment de leurs sentiments. Ce qui est dommage pour eux je trouve. Bon, il ne faut pas exagérer il m'est déjà arrivée de passer sous silence certaines de mes pensées lorsque celles-ci étaient trop violentes ou trop méchantes pour le public auquel je m'adressais. Après tout je ne suis pas une sainte et il arrive à tout le monde d'altérer la vérité, même si selon moi ça ne doit pas devenir une habitude au risque de se perdre dans son mensonge. Ma franchise peut être vue comme une bonne chose ou une mauvaise en fonction de la situation. Il m'arrive de blesser certaines personnes sans m'en rendre compte, même si au final je trouve qu'ils ne devraient pas se voiler la face.

Sinon je peux me montrer déterminée au point d'être têtu. Je n'aime pas que l'on me contredise, surtout lorsque je sais que j'ai raison. Il arrive que je me focalise seulement sur ce que je pense être vrai, délaissant les propos des autres. Je ferai tout pour aller au bout de mon idée quel qu'en soit les conséquences et les obstacles barrant mon chemin. C'est pour moi une question de morale, je ne suis pas du genre à laisser tomber dès que quelqu'un n'est pas sur la même longueur d'onde que moi ou que les choses deviennent compliquées. Mes amis disent souvent que je ne lâche jamais rien, qu'il m'est vitale de réussir ce que j'entreprends et je ne peux être qu'en accord avec leurs propos. De par ce fait je suis aussi très rancunière envers les personnes que je côtoie. Je n'oublie pas lorsque quelqu'un me fait du mal, pour ça j'ai une mémoire d'éléphant. Je sais toujours quand on parle derrière mon dos, j'ai un sixième sens pour savoir lorsqu'on dit du mal de moi. Il ne faut pas croire que je reste insensible aux critiques, elles me font mal et je déteste lorsque les gens ont cette emprise sur moi. Il est très rare que j'accorde ma confiance depuis que j'ai découvert mes pouvoirs mutants j'ai perdu ce trait, en particulier à l'égard des humains. En plus de ça je suis très autonome, j'aime agir de mes propres moyens et je ne dépends de personne. Habituée à ne compter que sur moi-même, je n'envisage que très rarement de demander de l'aide aux autres. La décision finale me revient toujours et je ne me laisse pas influencer. Malgré cela je reste à l'écoute des autres, on me prend souvent comme confidente. Je garde tout pour moi.

Je ne vous donnerais pas beaucoup d'informations sur ma famille, vous devrez vous contenter de ça.

Mes parents sont des indiens de Bangalore, tous deux étaient agriculteurs dans une petite ferme aux alentours de la ville. Ils ont quitté l'Inde, grâce à l'aide financière d'un ami à mon père, pour l'Angleterre où j'ai été mise au monde. Je ne connais pas les raisons qui les ont poussées à partir de Bangalore, ils ont toujours gardé ce passage de leur vie secret. Ma petite soeur Amara a deux ans de moins que moi. Nous sommes toutes les deux des mutantes, ce que mes parents ont moyennement accepté. Lorsqu'ils ont découvert que leurs enfants n'étaient pas tout à fait comme les autres, ils ont décidé de mettre une barrière émotionnel entre nous. Il m'arrivait de les voir prier Shiva de soutirer les mauvais esprits qui nous habitaient, croyant que leur dieu les punissait d'avoir commis des pêchers. Mes parents résident toujours à Londres, mais ils ne cherchent pas à avoir de mes nouvelles et c'est réciproque. Amara, elle, a coupé les ponts avec moi depuis que j'ai quitté le domaine familial. Je ne sais pas où elle se trouve.

In the valley of the dolls we sleep
Got a hole inside of me
Living with identities
That do not belong to me
In my life, I got this far
Now I'm ready for the last hurrah
Dying like a shooting star

Comme j'aime la nature ! Les fleurs roses, bleues et jaunes qui dansent au rythme de mes pas, l'herbe qui chatouille mes pieds nus et les doux rayons du soleil qui me caressent le cou. L'été est vraiment ma saison préférée ! Je me demande si Amara va bien vouloir jouer avec moi et Jenny tout à l'heure, elle ne l'aime pas beaucoup j'ai remarqué... C'est dommage, elles ont pourtant tellement de choses en commun... Je pense qu'elle est jalouse que je passe plus de temps avec Jenny qu'avec elle. Mais c'est normal que je reste avec mes amis non ? Je ne serais pas toujours là pour la divertir, il va falloir qu'elle se trouve quelqu'un d'autre ! Parce que vraiment si elle n'arrive pas à bien s'entendre avec Jenny je ne sais pas avec qui elle va le faire. Jenny est un vrai ange, elle est toujours pleine de vie et elle voit le bon côté de tout le monde. J'aimerais tellement qu'Amara arrête d'être aussi froide avec elle. En parlant du loup, la voilà qui arrive en courant vers moi sa petite robe jaune virevoltant autour d'elle.

"Sohalia ! Maman veut te voir ! Elle dit que c'est urgent !"

Elle arrive jusqu'à moi le regard suppliant et la respiration haletante. L'air perturbé d'Amara me fait peur, on dirait que quelque chose de grave s'est passée. Il est arrivé un événement important ? Quelqu'un est blessé ? J'essaye de contenir toutes mes questions pour ne pas donner à ma petite sœur une raison de plus d'avoir peur. Je la regarde discrètement pour me rendre compte que ses yeux sont fixés sur mes mains. Confuse, je mets une de mes mains devant mon visage. Je sens mes yeux s'écarquiller et mes poils se dresser sous le coup de la surprise.

"Depuis quand tu mets du vernis ? Tu sais très bien que maman nous a interdit d'en porter ! C'est Jenny c'est ça ? Elle t'en a donné et t'as accepté ?!"

Je ne me suis pas mis de vernie... Je n'en possède même pas ! Pourquoi mes ongles sont noirs comme ça ? Et comment ose-t-elle mêlé Jenny à ça ? Ma surprise se transforme en colère, je regarde ma petite sœur fixement et avec une pointe de haine. J'ouvre la bouche pour la réprimander, mais je me mets à sentir quelque chose d'étrange qui m'empêche de commencer ma phrase. Comme si... j'étais plus sensible à la température. La chaleur qui émane du corps d'Amara est comme mise en valeur par une sorte d'aura rougeâtre. J'émets un mouvement de recul et ferme les yeux pour me concentrer sur autre chose mais c'est encore pire. Maintenant j'arrive à sentir la présence de ma sœur grâce à sa chaleur !

"A... Amara... Je crois que y'a quelque chose qui va pas chez moi."

Qu'est ce qui m'arrive ? Je suis malade ou quoi ? Je m'assois sur l'herbe et respire profondément. J'entends ma sœur me poser pleins de questions, mais je n'y réponds pas de peur de perdre le peu de raison qu'il me reste. J'ai peur. J'ai un très mauvais pressentiment. Je sens comme une enveloppe se former autour de moi me donnant un certain réconfort. Je laisse mon esprit se relaxer dans cette protection et ne me concentre plus que sur celle-ci. Mes problèmes disparaissent. Je me sens forte. Tellement plus forte. J'ouvre les yeux pour me rendre compte qu'Amara a disparu. Elle a dû aller chercher maman. Il leur faudra au moins dix minutes pour venir jusqu'au parc vu la distance qui le sépare de la maison. Je devrais aller les rejoindre pour ne pas qu'elles s'inquiètent plus.

"Petite ! Attention !"

A peine me suis-je levée que j'entends un cris perçant déranger le calme du parc. Des pas rapides se dirigent vers moi, un souffle rauque et des grognements sifflants les accompagnent. Je ne sais pas comment, mais j'arrive à voir cet animal avant de le voir. C'est compliqué à expliquer... Mais comme ça m'a fait avec Amara, une aura chaude est apparu au coin de mon œil là où se trouvait la bête. Je me décale juste à temps pour ne pas me retrouver piétinée par le chien qui me fonce dessus. Il m'a juste légèrement frôlé le bras. Un jeune homme cours vers moi l'air affolé et une laisse dans la main.

"Je suis tellement désolé ! Est-ce que tout va bien ? Il ne t'a pas fait mal j'espère ?"

"Oh non, ne vous inquiétez pas. Il m'a à peine touché."

Je lui fais un sourire qui se veut rassurant, mais au fond de moi je bouillonne de rage. Il aurait pu faire plus attention avec son chien, je déteste les canidés ce sont des bêtes si stupides. Ce qui m'effraie le plus au final c'est surtout cette nouvelle capacité que j'ai l'air d'avoir acquise. J'ai l'impression que mon champ de vision c'est agrandis, j'arrive à voir des choses que je ne voyais pas avant. Par exemple l'arbre qui se trouve derrière moi à gauche, je pourrais dire tous les insectes qui le peuplent. Je vois le sang qui parcourt leur corps, la chaleur qui émane de leur chairs. C'est impressionnant, mais ça me fait très peur. Le propriétaire du chien et moi nous nous retournons en même temps lorsqu'un aboiement blessé se fait entendre dans la direction par laquelle est partis le chien. Nous partageons un regard et courons vers l'animal. L'homme crie le nom de son chien de nombreuses fois et je l'accompagne du mieux que je peux. Nous retrouvons le berger allemand près d'un buisson couvert de fleurs blanches. Son corps inanimé est recroquevillé sur lui-même et ses membres sont tellement crispés qu'une de ses pâtes est toujours levé vers le ciel. Son propriétaire se jette à ses pieds et le secoue avec tellement de force que mes yeux s'embuent de tristesse.

"Il... Que lui est-il arrivé ?"

L'homme me regarde comme s'il venait de se rendre compte que j'étais là. Son regard est vide. Je hais voir les gens comme ça. Ça me rappelle le jour où maman a découvert que grand-maman était morte d'une maladie du cœur. Elle n'avait parlé à personne pendant deux semaines, même mon père n'arrivait pas à la faire sortir de son chagrin. Il observe son chien sous toutes ses coutures et me répond avec une voix enrouée de chagrin.

"On dirait qu'il a été empoisonné."

Empoisonné ? Mais il n'y a aucun serpents ici ! C'est impossible ! En plus de ça il n'a aucune trace de morsure, comment aurait-il pu être empoisonné sans s'être fait mordre ? Tout d'un coup un sentiment d'horreur émerge de mon esprit. Je regarde mes ongles noirs et pense à tous les événements qui se sont passés aujourd'hui. Le chien m'a frôlé lorsque j'étais dans ma protection. C'est la seule chose qui me vient à l'esprit. Tout devient claire dans ma tête. Je suis persuadée que c'est moi qui ai tué le chien.

She told me not to step on the cracks
I told her not to fuss and relax
Pretty little face stopped me in my tracks
But now she sleeps with one eye open
That's the price she'll pay

Chacun possède un rêve qu'il sait ne se réalisera jamais. Le mien ? Que mes parents m'acceptent malgré mes différences. A leurs yeux je ne suis qu'un monstre sans sentiments, ils pensent que je suis possédée par une sorte de mauvais esprit envoyé par Shiva pour les punir de leurs crimes. Je ne les comprends pas. Je n'ai jamais fait de mal à personne, mon pouvoir je le contrôle autant que je le peux. Oui, je suis une mutante, mais ne pourrait-il pas être heureux que leur fille représente l'évolution de l'espèce humaine plutôt que de voir ça comme une malédiction. C'est trop leur demander ? Je ne pense pas pouvoir faire le bien avec mon don qui est plus destructeur que bienfaiteur, mais je me suis acceptée telle que je suis. Un serpent. Je ne compte me cacher de tous comme le font certains mutants, ces lâches et faibles personnes qui n'arrivent pas à supporter le fait qu'ils sont différents. Nous sommes l'évolution de notre race, il n'y a aucunes raisons d'avoir peur de ses capacités. Mais au final ils font comme ils veulent je ne vais les forcer.

Ma mère m'évite en ce moment, je pense que c'est parce qu'elle s'est rendu compte que toutes ses prières ne changeront rien à ma condition. La personne qui m'a mise au monde me haït. Ce n'est pas une réalisation, mais ça fait encore plus mal lorsque je dis les mots exactes. Quoi que je fasse elle ne m'aimera plus. Même lorsque j'ai essayé de faire comme si mes pouvoirs avaient disparu le fossé qui s'était créé entre nous deux ne s'est pas refermé. J'ai abandonné au bout de deux semaines ne pouvant plus cacher cette partie de moi. Le venin devient incontrôlable lorsque je le garde en moi trop longtemps. J'aime lorsqu'il me consume, sentir ce fluide incolore sortir de mes pores et recouvrir ma peau. Je perds le sens des réalités, je me mets à rêver. C'est comme une drogue pour moi. Peut-être que mes parents ont raison finalement, c'est malsain et perfide. Mais je ne peux pas m'en empêcher donc je l'ai accepté. Flippant non ?

Je pense qu'Amara est une mutante aussi. Si les regards fuyants qu'elle adresse à mes parents depuis quelques mois et le temps qu'elle passe dans sa chambre n'étaient pas assez étrange, je l'entends pleurer dans la salle de bain tous les soirs. Il faut qu'elle surmonte cette période toute seule, comme moi je l'ai fait. C'est comme ça que j'ai réussi à contrôler mes pulsions aussi bien. Notre meilleur mentor est nous-même, c'est ce que j'ai appris lors de mon adolescence. Il va falloir que ma petite sœur passe par cette étape elle aussi pour ensuite se trouver elle-même. De toute manière je pars de la maison ce soir, j'ai réussi à récolter assez d'argent pour m'échapper de ce trou à rat. Je m'envole pour la Pennsylvanie où j'ai été acceptée à l'université de droit la plus prestigieuse de l’État. Ce qui me gène c'est de devoir la laisser toute seule en compagnie de mes amours de parents. Elle ne pourra pas se cacher longtemps.

Je me lève doucement de ma chaise de bureau où j'étais supposée étudier et marche d'un pas lent et assuré vers la chambre de ma sœur. Allongée sur son lit, je regarde les belles boucles brunes d'Amara se balancer au rythme de sa musique. Malgré mes nombreux toussotements et appels de son nom, elle ne remarque pas ma présence. J'essaye de me frayer un chemin parmi les habits qui jonchent le sol de sa chambre et parvient enfin à son lit. Elle se tourne vers la source du bruit et lève un sourcil parfait en me voyant. Retirant ses écouteurs avec une lenteur délibérée, la jolie brune laisse échapper un long soupir d'agacement.

"Quoi ?"

Comme je déteste quand elle me parle comme ça. Je suis sa sœur non ? Elle devrait avoir un peu plus de respect pour moi. Ses yeux claires sont remplis d'impatience, alors je fais exprès de prendre le temps de répondre. Deux peuvent jouer à ce jeu. Sa lèvre supérieure se tord légèrement, mais je la coupe avant qu'elle ne puisse effectuer le moindre son.

"Je pars ce soir."

Ses prunelles s'agrandissent à ma déclaration, elles cherchent mon visage pour signes de plaisanteries, mais n'en trouvent aucun. Ça me fait mal de la voir comme ça, cependant elle savait très bien que j'avais planifié de quitter la maison à un moment ou un autre. Tout d'un coup son regard se transforme en haine pure et dure, sa respiration devient de plus en plus saccadée.

"Tu m'abandonnes avec eux alors que tu sais très bien ce qu'il m'arrive ?!"

Tiens elle avait deviné que j'avais deviné, on n'est pas sœurs pour rien à ce que je vois. Et puis c'est simple de dire ça. Lorsque mes parents ont découvert mes pouvoirs elle n'a pas cherché à m'aider plus que ça. Au contraire j'ai eu droit à de nombreux regards froids et des commentaires cyniques. Elle n'a aucun droit de faire le coup de la victime alors qu'elle-même a été un de mes agresseurs. C'est sûr maintenant que ma chère sœur est dans le besoin c'est à moi de tout faire pour lui rendre la vie facile. Eh bien non, cette fois je refuse, il va falloir qu'elle se débrouille toute seule comme tous les autres.

"Commences pas à me faire une scène Amara. J'ai décidé de partir il y a plusieurs années déjà et je ne te l'ai jamais caché. Ne joues pas la surprise."

Son regard est tellement haineux que ça me donne envie de la frapper. Elle prend un stylo qui se trouve sur son lit et, avec un mouvement précis, se le plante dans la main. Je ne peux n’empêcher de laisser échapper un petit cris d'horreur. Cette gamine est folle ou quoi ? Pourquoi elle a fait ça !? Je regarde avec horreur le sang qui coule de sa plaie béante quand tout d'un coup cette même blessure se cicatrise avec rapidité. Il ne reste sur sa main que le sang qui s'était échappé. Amara soutient mon regard, mais je vois au fin fond de ses yeux les larmes qu'elle essaye de retenir. »

"Je fais quoi avec ça ?"

Sa voix cassante, me fait plus de mal que j'aurais voulu. Mais je refuse de me laisser influencer par ses pleurs. Je décide de prendre mon ton le plus froid et détaché pour rendre mes propos plus finals.

"Tu te débrouilles sœurette, comme tout le monde."



"Tu fous quoi Sohalia ! J't'ai demandé de prendre les commandes, qu'est-ce tu fais encore dans la cuisine ?!"

Envie de meurtre en approche. Cet homme est vraiment le plus saoulant de la planète, ce n'est pas possible. Comment ça se fait que je me retrouve toujours chez les mêmes tarés... J'ai l'impression que ma chance disparaît de plus en plus au fil du temps.

"Il y a un problème de communication dans ce resto'. Votre femme vient de me dire le contraire."

Oups... Vu la tête que vient de faire mon patron ce n'était peut-être pas la meilleure chose à dire. Ce restaurant est dirigé par un couple de Texan qui n'arrive pas du tout à s'entendre. Le mari dit une chose et la femme dit une autre, bien sûr ça tombe toujours sur les employés. Aujourd'hui c'est mon tour on dirait.

"Arrête de dire de la merde ! Retourne en salle ou t'es virée !"

Bon, vu que quoi que je dise je vais me faire enguirlander je préfère encore faire la petite femme obéissante. C'est peut-être rageant, mais ce mois-ci j'ai vraiment besoin de mon salaire. Le propriétaire de mon appartement a décidé de rajouter une petite centaine d'euros à mon loyer du jour au lendemain alors je dois maintenant me coltiner ce job pourri en plus de mes autres jobs pourris. Alors pour donner une idée de tous les boulots que j'ai effectués cette année, il faut imaginer toutes les professions humainement possibles et prendre tous les postes les plus mal payés. Secrétaire, serveuse, vendeuse de chaussures, libraire, caissière, livreur de journaux et le plus dur pour mon ego danseuse orientale.

"Ok chef, j'y vais de suite."

Il me lance un dernier regard remplis de dégoût et retourne faire je ne sais quoi. Je souris à Dan, le cuisinier, qui secoue la tête en direction de notre patron. La seule chose de bien dans ce restaurant c'est la complicité qu'ont les employés entre eux. On se serre les coudes et tout le monde s'entend. Le premier jour où j'ai travaillé ici je venais d'être viré de mon université pour cause de retard de payement, alors mon moral était au plus bas. Et en voyant le comportement des propriétaires ça ne s'est pas arrangé. J'ai tout de suite eu envie de laisser tomber et rentrer chez moi pour me noyer dans un bon gros pot de Ben & Jerry's. Mais les employés ont été tellement sympas, me montrant comment tout fonctionnaient et me donnant de nombreux conseils que j'ai réussi à tenir le coup. Aujourd'hui on m'appelle le vétéran puisque je suis une des personnes étant restée le plus longtemps dans la boite. Tous les employés qui étaient là lors de mon arrivée sont partis dès qu'ils en ont eu l'opportunité, il ne reste plus que Dan et moi. Ce trentenaire est un ancien politicien qui a décidé de tout plaquer pour se concentrer sur sa passion, la cuisine. Plutôt distant au début, il parlait rarement et il m'a fallu un bon mois pour percer ses défenses. On est devenu des amis proches et on se voit souvent en dehors du boulot. Je me rends compte que je suis encore perdue dans mes pensées et me précipite dans la salle. Trisha me fait un signe de la main pour me montrer de quelle table je dois m'occuper. Je sors un bloc-notes de la poche et un bic de mon jean et m'approche des clients d'un pas assuré.

"Bonsoir messieurs, dames. Avez-vous choisis ?"

J'écoute leurs réponses d'une oreille car mon attention est dirigée sur un groupe d'adolescent de seize ans à la table d'à côté qui ne m'ont pas l'air très net. Trois garçons et une fille, ils ont commandés deux lattés au chocolat et trois muffins vu les restes qui se trouvent sur leur table. Bien sûr ce n'est pas ça qui m'interpelle, mais le fait qu'ils chuchotent entre eux en observant les gens autour d'un œil mauvais. Un des gamins se lève et se dirige vers la caisse. Ma suspicion est grande lorsque je le vois tripoter quelque chose dans sa veste. Mais quand je me décide à l'interpeller, il est trop tard. Le garçon sort un 357 Magnum de sa poche et le dirige droit vers Alice qui s'occupe de la caisse le vendredi soir. Je sens que les autres gamins ont eux aussi des armes sur eux lorsqu'ils se précipitent aux côtés de leur camarade. Le froid de l'objet contraste avec la chaleur de leurs corps.

"Tout le monde à terre ou on vous butte !"

"Retirez tous les objets de valeurs que vous avez sur vous et posez les sur le sol à côté de vous !"

Quels amateurs... Le personnel dans la cuisine a déjà eu tout le temps d'appeler la police. Ils n'ont pas caché leur visages alors on pourra facilement les retrouver s'ils décident de s'enfuir. On se croirait dans un mauvais film policier. La peur fait chauffer la température des personnes présentes dans la salle. Les femmes retirent leurs bijoux et les hommes leur montres, les parents essayent tant bien que mal de calmer leurs enfants en leur lançant des regards qui se veulent réconfortant alors qu'eux-même sont effrayés. J'essaye de contenir mes pulsions du mieux que je peux, mais je sens le venin qui tente de sortir de mes pores. Le contenir devient trop dure, alors je le laisse couler. J'ai honte de ne pas pouvoir le contrôle lorsque je suis en stress. La fille du groupe me fixe intensément depuis le début, elle a l'air d'avoir perçu une différence entre moi et les autres. La brunette se dirige vers mon emplacement son arme braquée sur moi.

"Si tu fais un seul mouvement je t'explose la tête."

"Tu n’oseras pas. Tu as plus peur de moi qu'autre chose, je le sens."

Ce que je ne dis pas c'est que la peur me rendre une personne imprévisible, chose qui pourrait très mal tourner. Son arme tremble dans sa paume, je vois qu'elle n'a pas l'habitude de faire ce genre de choses alors j'essaye de la convaincre de ne pas faire cette erreur stupide qui pourrait foutre sa vie en l'air.

"On a déjà prévenu la police. Si vous partez maintenant je te promets qu'il ne t'arrivera rien."

L'air confiant qu'elle avait au départ s'envole pour être remplacé par de la peur, ses yeux bleus cherchent les miens puis elle se tourne vers ses camarades. Ceux-ci n'ont pas remarqué notre échange, trop concentrés à récupérer les biens. La gamine a l'air tellement indécise que je décide de la pousser.

"Fais ton choix maintenant, tu n'as pas beaucoup de temps avant que les flics n'arrivent."

Laissant échapper un soupir, la gamine cours vers la sortie avec une mine affolée.

"LES GARS FAUT QU'ON SE BARRE, LES FLICS VONT SE POINTER !"

Horrifiés, les gamins laissent tout leur butin tomber par terre et se précipite vers la porte avec une rapidité déconcertante. Le silence règne dans le restaurant pendant un moment avant qu'un brouhaha incroyable prenne sa place. Tout le monde se jette sur ses possessions, ils parlent tous en même temps, des enfants pleurent et des hommes jurent. Trisha s'élance vers moi et me prend dans ses bras minces avant que ne puisse dire quoi que ce soit.

Une seconde passe.

Deux.

Trisha tombe au sol.

Ses yeux commencent à se vider de leur vie.

Des cris.

Elle meurt.

Je l'ai tuée.

Vous vous doutez bien qu'on ne m'appelle pas Poison pour rien. En effet, je possède des glandes de poison mortel sous la peau me permettant de créer une sorte de carapace de venin. Si je touche mon adversaire et vice-versa alors que j'ai cette protection il y a de grandes chances qu'il meurt dans d'atroces souffrances. Il n'existe pas d'anti-venin capable de stopper mes toxines. Le seul moyen de savoir si mon pouvoir est en marche est de regarder mes ongles car ceux-ci deviennent noirs. J'ai aussi hérité d'un sens thermique sur-développé m'accordant la faculté d'enregistrer la moindre variation de température de l'ordre de 1° C. Je suis sensible au rayonnement infrarouge, ainsi je peux repérer un homme dans le noir le plus absolu, même s'il est dissimulé. Ces récepteurs thermiques ne servent pas seulement à localiser une personne. Ils en restituent également une image, me permettant d'attaquer ma victime sans l'avoir aperçue au préalable.

Je me fiche du vaccin tant que le gouvernement n'essaye pas de me forcer à le prendre. Je dis bien « essayer » car ça m'étonnerais que les forces de l'ordre arrivent à contenir une mutante comme moi. Sinon ce que font les autres ne m'intéresse pas, si les faibles et les incapables veulent se débarrasser de leur pouvoirs qu'ils le fassent. Ça fera quelques tâches en moins dans ce monde.