J'avais fini par prendre mes marques dans cette ville, ça n'avait pas été chose simple. Après quelques semaines passées dans un squat miteux et tombant en ruine dans la chaleur douillette d'une paillasse infestée de cafard, j'avais enfin réussit à trouver un petit travail comme illustratrice dans un petit journal hebdomadaire. Je préférais infiniment ça plutôt que travailler dans un café ou ce genre de choses. Le mieux dans ce travail était que ce fut l'un des très rares entretiens d'embauche où on ne me demanda pas « mais, vous êtes bien humaine, non ? Vous n'êtes pas mutante ? ». D'ailleurs, depuis quelques semaines que je travaillais là, quelques collègues avaient bien deviner que j'en étais une sans que ça les fasse tiquer. Au contraire, j'avais même eu le droit à un « classe ! » de la part de mon voisin de bureau quand il me vit nettoyer un dessin sur lequel j'avais renversé de l'eau. Bref, j'avais également pu me trouver un petit studio non loin de mon lieux de travail, je m'en sortais très bien.

Nous étions samedi et je profitais de mon début de week-end pour flâner en ville. Depuis que je m'étais installée pour de bon, je pouvais enfin découvrir les beaux endroits de la ville et pas ses bas-fonds et recoins sombres. Je ne devais plus rester à proximité de l’immeuble abandonné où je squattais de peur de devoir y courir en cinq minutes maximum au cas où la police venait nous déloger. C'était des choses qui arrivaient. J'avais une mission pour la journée : obtenir un raccordement internet de mon nouveau chez-moi, j'avais hâte de contacter mes parents pour leurs faire part de ma situation.

Je traînais donc dans les rues, lisant consciencieusement les brochures de chaque opérateurs proposés pour trouver celui qui me conviendrais le mieux. Ce n'était pas mon salaire d'illustratrice qui me permettrait une bande passante qui va sur la Lune. Je passais à proximité d'un des grands ponts qui bordaient Manhattan, je ne saurais dire lequel, je n'ai pas du tout mémoriser les noms. Bref, je passais pas loin, le nez dans mes brochures, quand un gros « boom » me fit sursauter. Après avoir été bousculée par une vielle dame qui hurlais que les mutants attaquaient, je pus voir enfin l'origine de cette agitation.

-Ooh... ça c'est pas bon.

Sur le pont, une voiture était visiblement entrée en collision avec le bas-côté, d'où le bruit. Déjà, des flammes sortaient du capot. Moi forcément, en voyant du feu, mon premier réflexe fut de m'y précipiter. C'était mon rayon après tout. A distance respectable du feu, je me concentrais un bon coup sur les masses d'eau sous mes pieds. Heureusement pour moi et pour le conducteur, je me rappelais juste à temps qu'il ne fallait jamais, mais alors JAMAIS mettre de l'eau sur un feu d'hydrocarbure, ça l’alimente. Merci les cours de chimie en option à l'université. Je fichais la paix à l'eau que j'avais soulevé, et n'en gardais qu'une petite partie que j'orientais adroitement par l'ouverture du pare-brise, brisé par le choc. Je commençais par arroser la victime pour le protéger de la chaleur des flammes, avant de me tremper moi-même. Le feu n'avait pas encore trop pris mais je n'entendais aucun secours au loin. Sans être une spécialiste automobile, je savais pertinemment que feu + voiture = gros boom + gros bobos. De toute façon j'étais maintenant trop près de l'accident pour me défiler, alors autant tenter le tout pour le tout. Trempée jusqu'aux os mais au moins protégée des flammes, je renvoyais de l'eau sur la porte pour être sûre de ne pas me brûler avant de m'acharner dessus pour délivrer le conducteur. Sous mon jet d'eau, il avait d'ailleurs reprit conscience.

Mais nous n'étions pas tirés d'affaire pour autant. Déjà il restait trop de monde autour qui étaient en danger si la voiture explosait. Ensuite, j'avais beau m'acharner, la porte ne bougeais pas, déformée par le choc de l'accident. Et ces secours qui n'arrivaient pas ! Merveilleux monde dans lequel une pizza arrive plus vite que ceux qui sont censés sauver des vies ! Sans compter que je ne voulais pas trop être là quand les autorités arriveraient, j'avais beau essayer d'aider cet homme, je n'étais pas moins une mutante non déclarée qui jouait en public avec ses pouvoirs. Enfin, la portière céda et j’entraînais l'homme au dehors de la voiture.

-Hey les gens ! Restez pas là enfin ! Hurlais-je aux spectateurs. Ils ne se rendaient donc pas compte qu'il y avait une voiture en feu potentiellement prête à exposer ici ? Bon et si vous voulez pas vous éloigner, un peu d'aide, ça en serait pas de trop !

Parce que mine de rien, le conducteur était un homme qui, sans être gros, était bien battit, en plus d'être blessé. Quant à moi je n'étais jamais qu'une jeune fille pas bien épaisse qui n'était pas vraiment à même de transporter seule une personne qui fait deux fois sa carrure.