La nuit que je venais de passer avait été plutôt agitée, enfin c'est ce que je remarquai au moment où je me réveillai. Les paupières lourdes, je peinais à garder les yeux ouverts. Il ne me restait quasiment aucun souvenir de cette soirée, mais si je me fiais à cet horrible mal de crâne qui me donnait l'impression qu'un éléphant venait de s'asseoir sur mon crâne, je m'étais encore une fois bien imbibé d'alcool.
A côté de moi, deux filles dévêtues qui se ressemblaient beaucoup - peut-être des jumelles - étaient profondément endormies. Je pris ma tête entre mes deux mains, cherchant à me souvenir de ce qui s'était produit la veille, mais rien ne me revenait. Non sans difficulté, je me levai, titubant jusqu'à mes vêtements que je retrouvai un petit peu partout dans la pièce. D'ailleurs en parlant de pièce, l'endroit où je me trouvais ne me disait rien du tout, je n'étais clairement pas chez moi. Après avoir rassemblé mes affaires, je filai dans la douche qui se trouvait juste à côté de la chambre où j'avais dormi et une fois que je fus à peu près propre, je m'habillai et partis en vitesse de cette maison.

Enfin, de l'air frais ! Cependant, j'étais dans un quartier dans lequel je n'étais jamais venu auparavant et je m'attendais déjà à devoir perdre beaucoup de temps à retrouver le chemin de mon loft. Je vous passe volontiers tous les détails de mon périple, mais toujours est-il que je parvins à rentrer à ma luxueuse tanière et vu la gueule de bois mémorable que j'étais en train de me taper, il n'y avait qu'une seule chose à faire, se poser devant l'immense écran plat qui ornait mon mur et ne plus bouger jusqu'à la prochaine fête, mais ce n'est pas ce que je comptais faire. Loin de là.

En fait, il y a de cela quelque temps, j'avais fait la rencontre d'une blonde magnifique qui ne cessait de hanter mes pensées depuis. Je ne saurais dire pourquoi, cette fille-la m'avait marqué et j'avais vraiment envie de la revoir. Mais dans une ville comme New-York, à moins d'engager un détective hyper doué qui saurait me la retrouver en un rien de temps, mes chances de la revoir étaient faibles, pour ne pas dire quasiment inexistante. Pourtant, je ressentis cette irrépressible envie de me rendre à l'endroit où nous avions fait connaissance, juste comme ça... Et elle était là.

Ni une ni deux, je vins m'asseoir à côté d'elle avant que quelqu'un d'autre ne le fasse. D'accord, je n'étais pas très beau à voir, mais je ne ouvais me résoudre à la laisser filer sans lui avoir adressé la parole.

- Je t'ai déjà dit qu'il n'était pas utile de se vouvoyer, t'as déjà oublié?

Je marquai une petite pause, le temps de sortir mon paquet de cigarette et de m'en allumer une.

- Monumentale gueule de bois... Mais je suppose que tu ne dois pas savoir l'effet que ça fait, j'me trompe? Dis-je en la gratifiant d'un magnifique sourire.

Moi, pas gentil? Vous avez sans doute raison. Je n'étais pas le genre de type très amical qui avait l'habitude de faire des manières avec les gens, au contraire, j'étais quelqu'un qui n'hésitais pas à dire ce qu'il pensait sans faire de détour. Alors parfois, ça pouvait agacer, mais je me foutais bien de ce que les gens pensaient sur moi au final.

Je choisis de ne pas directement lui poser la question, mais je me demandais qui était cet homme qui l'accompagnait et que j'avais vu partir il y a de cela deux ou trois minutes. Un homme élégant, plutôt classe, enfin bref tout ce que je détestais voir.

Prude, coincée plus que timide, voilà les premiers adjectifs qui me venaient à l'esprit lorsque je pensais à Maëlesia. Cette dernière, qui avait pourtant le physique d'une mannequin de renommée mondiale, était aussi réservée qu'innocente. Je la dévisageai quelques instants, me demandant comment une si belle femme avait pu se retrouver avec un type comme celui que je venais de voir à côté d'elle il y a de cela quelques instants. Elle ne l'aimait pas, ça crevait les yeux. Il ne le remarquait peut-être pas, ou il essayait de l'ignorer, mais le petit numéro de comédie qu'elle jouait n'avait pas pris avec moi.

Mais je ne la connaissais finalement pas assez pour être susceptible de lui poser les questions qui me brûlaient pourtant les lèvres. Qui était-elle? D'où venait-elle et comment en était-elle arrivée à dépendre d'un homme qu'elle n'aimait pas et pourquoi avait-elle l'air si malheureuse? Enfin, peut-être que je me trompais sur toute la ligne, peut-être que mon esprit m'avait joué un sale tour et que je n'avais fait qu'espérer tout ça au final... Je n'en savais rien. Oh ! Et depuis quand je me prenais autant la tête pour une fille moi? Surtout une fille que je venais à peine de rencontrer, c'était tout à fait incompréhensible.

– Oh ! Vous avez très mauvaise mine Thomas, avez-vous assez dormi cette nuit ? Demandai-je en fronçant les sourcils, inquiète. Ce n’est pas une bonne chose de…

Assez dormi? Vu l'état dans lequel je me trouvais, il était clair que je n'avais pas assez dormi... Et que j'avais bien trop bu, mais je faisais de mon mieux pour que cela ne se voit pas trop, mission ratée apparemment. Je remarquai qu'elle ne termina pas sa phrase, préférant laisser planer le silence pendant quelques instants. Pourquoi?
C'est là qu'un petit garçon fit son apparition. Il se planta devant nous, fixant Maëlesia avec une rare intensité, et lui demanda si ça allait. Bien qu'il m'ait ignoré pendant un long moment, le jeune individu me regarda très méchamment, il me lançait ce genre de regard très irritant que j'aurais immédiatement sanctionné d'une bonne droite en pleine face s'il n'avait pas été qu'un vulgaire gamin sans défense. Je ne savais pas pourquoi il réagissait de la sorte, mais c'est comme s'il me reprochait d'incommoder la belle blonde avec la fumée s'échappant de ma cigarette.

Aucune réplique de ma part, je préférai laisser le soin à Maë de lui demander de s'en aller, ce qu'il finit par faire après m'avoir une nouvelle fois regardé de travers. Mais si je trouvais ce petit garçon étrange, je me rendis compte à mon plus grand étonnement que tous les gens qui passaient près de nous, sans exception, regardaient fixement ma voisine. Et bien que ce ne soit qu'elle qui soit visé, le poids de leurs regards pesaient aussi sur mes épaules, je ne pouvais décemment pas rester ici à subir cela.

- Tu as faim peut-être? Je t'invite. Demandai-je après avoir jeté ma cigarette part terre.

Je me levai du banc sans même attendre de réponse de sa part et lui tendis ma main pour l'aider à se relever. Alors, allait-elle accepter de partager un repas avec un parfait inconnu? C'est ce que nous allions voir maintenant...

Tous ces regards, tout ce monde… j’avoue ne pas vraiment être très à l’aise avec cela. En temps normal, lorsque je suis la compagne de Joseph lors des soirées ou il décide de se rendre, même si je ne suis pas toujours très bien avec tout ce monde j’arrive aisément à dissimuler mon malaise derrière mon sourire. J’arrive assez facilement à faire avec car je trouve toujours des personnes fascinantes avec qui parler. Mais là… Même si je suis en agréable compagnie, j’avoue que de sentir tous ces regards sur moi et très difficile à supporter.
Pourquoi me regardent ils tous comme ça ?
Derrière Thomas, je vois un couple qui marche dans nôtre direction. Ils discutent, rient avec insouciance, elle lui donne une tape affectueuse sur le bras et d’un coup, les deux jeunes s’arrêtent subitement et leurs regards se braquent automatiquement sur moi. Plus aucun des deux ne parlent, ni ne bougent. Comme figé dans le temps. J’essaie de cacher mon malaise pour ne pas que Thomas se rende compte de la chose cependant, qu’est-ce que j’aimerais être invisible à présent !
« Tu as faim peut-être? Je t'invite. »
– Je ne… Je…
Je ne peux pas partir. Malgré tous ces regards dirigés vers moi et mon malaise naissant, je sais que je ne peux pas partir, je ne le dois pas. Joseph va revenir pour moi et il m’a dit d’attendre, alors je l’attendrais.
Je me lève à mon tour et plante mon regard dans le sien, désolée.
– Je vous remercie pour vôtre invitation Thomas, seulement…
« MAËLESIA »
Une voix masculine que j’identifie comme étant celle de Joseph crie mon nom et l’instant d’après, je me retrouve tirée en arrière. Je n’arrive pas à voir son visage, mais je doute qu’il soit très content de cette situation.
« Ne vous approchez pas de ma femme, ou vous le regretterez amèrement sale poivrot »
– Joseph… Dis-je aussitôt
« Maëlesia, tu viens avec moi, nous rentrons maintenant. »
Il me prend par le bras et me tire en arrière. Seulement, la douleur est tellement grande qu’au lieu de le suivre, je tombe à genoux sur le sol les larmes aux yeux. Quel force avait il ! Je comprends sa réaction, j’aimerais lui dire qu’il se trompe et que Thomas n’est qu’une connaissance que j’ai faite récemment mais je n’arrive pas à lui parler c’est comme s'il était dans une bulle.
« Maëlesia, tu… »
Il se tourne vers moi et relâche aussitôt son emprise sur mon bras dès qu’il me voit à terre.
« Mon dieu, qu’ai-je fais ? Maëlesia mon amour, je suis désolé, je ne voulais pas… »
– Ce n’est pas grave Joseph… Commencé-je en me relevant
« Mon dieu ! Mais que vous à t’il fait ? »
La mère du jeune garçon me prend le bras et l’examine attentivement. En regardant derrière elle, je m’aperçois que toutes les personnes présentes se sont dangereusement rapprochées de nous, mais malgré la colère qui se lit sur leurs visages, ils ne s’approchent pas. Ils me fixent tous du regard, sans plus, les poings serrés.
– Non, ce n’est rien. Dis-je dans l’espoir d’arranger les choses
Seulement mes paroles sont vaines.
« Vous ne la méritez pas, connard. Laissez là ou je m’occuperez de vous personnellement »
– Non, je…
« Lâchez la» cria Joseph fou de rage. « Elle est à moi !»
Il poussa la femme avec violence, et je sentie des mains se poser sur moi pour me tirer. J’aperçu le jeune garçon s’approcher discrètement de Joseph et lui mordre la jambe méchamment, Joseph poussa un crie atroce et à ce moment la, le combat commença.
– Lâchez le ! Demandé-je en tirant Joseph en arrière pour le libérer mais malheureusement, je fus incapable de le sortir de la. Sans le vouloir, Joseph me donna un violent coup au visage et voilà que je tombe en arrière. Ma tête percute avec violence le coin du banc. La douleur et atroce, mais je ne la sens qu’un temps car bientôt la fatigue m’emporte et je perds conscience.


***

Progressivement, je reviens à moi. La première chose que je ressens et cette atroce douleur à la tête, c’est comme si quelqu’un m’avait enfoncé quelque chose dans le crâne.
Puis, je me rends compte que je ne repose plus par terre, mais dans ce que je suppose être un lit. Aussitôt, j’imagine que Joseph m’a ramené à la maison et que se lit qui ne m’est pas familier et sans doute le sien. Que c’est il passé pendant que j’étais absente ? Joseph à t’il fait du mal à ces personnes ? Et à Thomas ? Il était tellement en colère…
J’hésite à ouvrir les yeux. Si je les garde fermés, peut-être qu’ils n’essaieront pas de me réveiller ? Que je n’aurais pas à parler à qui que ce soit et qu’ils me laisseront seule ?
Cependant, je suis incapable de faire ça. J’ouvre les yeux et c’est à ce moment précis que je prends conscience que je ne suis pas à la maison. Ce n’est pas ma chambre je l’avais deviné, mais ce n’était pas non plus celle de Joseph, ni celle de mes futurs sœurs épouses, j’étais chez un inconnu !
Instinctivement prise de panique, je me relève brusquement mais la douleur et si forte que j’ai l’impression que je vais de nouveau partir. Néanmoins, ce n’est pas le cas.
– Mince. Ou suis-je ?

J'étais debout, face à la jolie blonde qui paraissait hésitante. Pourquoi ? Après tout, je ne venais de lui proposer qu'un simple repas qui n'engageait absolument à rien, pourquoi était-elle en train de réfléchir comme si elle s'apprêtait à prendre une décision qui changerait le cours de sa vie? Je lui laissai néanmoins dont elle avait besoin de disposer pour son intense réflexion, la main toujours tendue comme pour l'encourager à me suivre.

Mais alors qu'elle me remerciait pour mon invitation qu'elle s'apprêtait très certainement à décliner très poliment, un homme furibond déboula de nul part, hurlant le nom de Maëlesia sans se préoccuper du fait qu'il se donnait en spectacle. J'observai la scène d'abord avec un certain amusement, voir cet inconnu s'exciter tout seul en effectuant de grands gestes me fit sourire, jusqu'à ce que je me rende compte qu'il représentait un réel danger pour Maë.
Il fondit sur cette dernière, non sans m'avoir balancé une petite menace accompagnée d'une insulte bien placée, et lui agrippa violemment le bras.

- Hey, toi ! Criai-je à l'attention de l'individu

Mon sang ne fit qu'un tour lorsque je vis Maëlisia à terre. La violence avait beau dicter mes actes et ma vie en général, je ne tolérais cependant pas qu'un homme lève la main sur une femme, surtout quand elle était aussi faible et inoffensive qu'elle.
Ce qui se produisit ensuite eut une nouvelle fois des airs de surnaturel. Un petit attroupement se forma autour de nous, chose inhabituelle quand on sait que les gens avaient pour habitude de ne jamais s'interposer dans une agression de ce type. Les plus "courageux" si l'on peut dire, appelaient parfois la police mais ils n'osaient jamais s'exposer au danger, contrairement à cette femme qui s'approcha de Maë pour examiner son bras.
Mais le compagnon de la belle blonde ne décolérait pas, bien au contraire, dans un nouvel accès de rage il repoussa l'inconnue avec une rare brutalité. Il n'était définitivement plus maître de lui, guidé par une force étrange qui semblait le pousser à faire ces choses horribles. La détresse que je pouvais lire sur le visage de Maëlisia ne faisait que me conforter dans mon hypothèse, elle ne le reconnaissait pas; ce qui voulait dire que ce comportement était tout à fait inhabituel chez lui.

Je fis un pas, et l'homme venait d'envoyer un coup de poing dans le visage de sa fiancée qui s'écrasa finalement sur le coin d'un banc. Mon premier réflexe fut, bien évidemment, de me précipiter vers elle pour voir si elle n'avait rien de grave, ce genre de choc pouvait en effet entraîner de graves séquelles.
Mais je vis le poing du type se lever, prêt à s'abattre sur le crâne du petit garçon qui était occupé à lui mordre la jambe. Le coup partit, mais je stoppai sa main en plein élan, offrant au petit la chance de s'écarter, ce qu'il fit.

- Ca suffit, maintenant Soufflai-je, d'un ton étrangement calme qui trahissait pourtant toute la haine que j'éprouvais pour cet être abjecte qui se tenait en face de moi.

La pression que j'exerçai sur sa main fut tellement force qu'elle lui brisa les os quasi instantanément, ce qui eut pour effet de le faire hurler. Dans ce genre de bagarre, les gens qui regardaient étaient généralement dégoutés par l'excès de violence auquel ils assistaient, mais là, ce fut l'effet inverse. A chaque coup que je donnais dans la face de cet enfoiré, les gens applaudissaient.
Je mis vite un terme au massacre et me dirigeai vers Maëlisia. Un rapide coup de téléphone suffit pour que le fidèle homme à tout faire de la famille Cage ne rapplique avec l'une de mes luxueuses voitures pour transporter la blessée chez moi.

Charles était un petit homme assez trapu, une sorte de majordome très classe qui désapprouvait bien sûr ma façon de vivre. Lorsqu'il vit la blonde, le front rouge à cause de sa chute sur le coin du banc, il me lança un regard noir, un regard qui en disait long sur ce qu'il pensait de moi à ce moment même. Mais je n'en avais cure, seul comptait l'état de la ravissante jeune femme. Nous ne tardâmes pas à arriver à mon magnifique loft.
J'installai Maëlisia sur un lit et recouvrai son corps d'une fine couverture. Je passai un nouveau coup de file et attendis, assis sur le lit à côté d'elle, qu'elle se réveille. La rapide expertise de Charles m'avait rassuré, apparemment son état n'était pas grave et ne nécessitait aucune prise en charge hôspitalière.

- Et voilà que la belle au bois dormant se réveille... Ne t'en fais pas, tu es en sécurité ici Murmurai-je, rassurant