Rejoins nous. Ce n'est pas une proposition [Charlie Shill]

Cela faisait quelques semaines qu’Alex traînait, se déplaçant d’un bout de l’Amérique à l’autre. Et tout cela pourquoi ? Pour suivre ce piteux homme d’affaires à qui elle devait régler son compte. Rah ! Elle savait qu’elle n’aurait pas du accepter ce boulot. Déjà on la regardait avec un grand sourire quand on lui proposait l’offre. Alors là…De la filature suivie d’une mort « naturelle ».
Naturelle, naturelle. Tu veux quoi ? Qu’une voiture dessinée vienne l’écraser ? Songea Matthews.
Le naturel, ce n’était pas son fort ! On parlait tout de même de la jeune fille qui avait des cheveux rouges !! Elle shoota dans un caillou qui traînait près de son pied gauche et le regarda rouler au loin. Si ça l’avait apaisé ? Pas le moins du monde ! Elle était toujours énervée. Tsheuh ! Avec son sale caractère, il y en avait pour des jours et des jours à décompresser. Sauf si évidemment on lui refilait une bonne nouvelle.
Pour se forcer à se calmer, la jeune Confrériste s’obligea à s’appuyer contre un mur. Au moins, ça la ferait éviter de tourner en rond autour du bâtiment dans lequel son « homme » s’était introduit tout à l’heure. Il ne faudrait pas qu’on la suspecte. Après tout, la filature, c’était être discret, avant tout. Mais bordel ! Pourquoi il mettait autant de temps, ce crétin ?! Matthews regarda sa montre. Plus de trente minutes qu’il était à l’intérieur ! En espérant qu’il n’ai pas prit la fuite avec le précieux bien qu’elle devait récupérer. Ce dont il s’agissait ? Apparemment, ça avait un rapport avec le vaccin. Hors, tout ce qui concernait le vaccin, de près ou de loin, était à détruire. De son point de vue à elle. Elle attendait donc avec une certaine appréhension le type. Après tout, il trimballait peut être de quoi la rendre quelconque en une fraction de secondes. Oh oui. Perdre ses pouvoirs était quelque chose qui apeurait au plus haut point la jeune fille. C’était ce qui la rendait unique, exceptionnelle. Sans eux…Elle n’était plus qu’une adolescente qui se la joue rebelle. Et puis, elle pouvait dire adieu à la Confrérie. Ah ça non ! Jamais ça n’arriverait ! Elle se le promettait ! Tiens. Une silhouette quittait l’imposant building. Mais oui ! C’était son homme ! Alex se colla contre le mur, histoire de se faire la plus petite possible. Il tenait à la main une mallette. Parfait. Ce qu’elle contenait ? Peu importait, tant que ça mettait des bâtons dans les roues de ceux qui cherchaient à annihiler la race des mutants. Et si Matthews pouvait participer, elle le ferait ! Silencieuse comme la mort, elle suivit le type sans rien dire. Son parfum se dégageait à des kilomètres à la ronde. Il puait. Ah ! Elle avait horreur des hommes qui se parfument ! Et dire qu’elle sentait cette affreuse odeur depuis plusieurs semaines !

Finalement, sans raison, l’homme se mit à accélérer. Que… ? Matthews doubla la cadence elle aussi. Il ne fallait pas le perdre. Mais…Pourquoi était-il soudainement si pressé ? L’avait-il senti ou vu ? Impossible ! Elle était aussi discrète qu’elle le pouvait, et cela faisait plusieurs jours qu’elle changeait régulièrement de visage, de couleurs d’yeux ou de cheveux. Aujourd’hui, elle avait même opté pour des cheveux blonds attachés en une queue de cheval.
Sa proie tourna dans une allée. Aussitôt, elle lui emboîta le pas. Plus la peine d’être discrète. De toute manière, il était évident qu’il l’avait remarqué. Et puis, il avait ce qu’elle voulait. Elle pouvait en finir avec cette stupide tâche, maintenant. Malheureusement pour elle, lorsqu’elle mit les pieds dans la ruelle qu’il venait d’emprunter, elle se rendit compte que c’était une impasse. Pourquoi malheureusement ? Parce que malgré ça, son gibier avait mystérieusement disparu. Comme envolé. Non ! Non non non ! Personne ne l’avait prévenu qu’elle traquait un mutant ! Sinon, elle se serait méfiée ! Elle serra les poings, et ses cheveux reprirent leur couleur rouge cerise. Folle de rage, elle était folle de rage. Tout ce temps perdu dans le vide ! Elle n’avait rien appris qu’ils ne sachent déjà ! Son poing partit instinctivement dans le mur.

▬ Aïe !

Ah bah oui, taper dans un mur, ça fait mal. Elle secoua la main, avant d’en regarder le dessus. Super, c’était ouvert. Elle n’avait pas eu l’impression de cogner aussi fort que ça. Qu’est-ce qu’elle allait pouvoir faire ? Aller dans un hôpital ? Non. Certainement pas. Se tenant la main contre la poitrine, elle regarda à gauche et à droite. Des murs. Normal, elle était toujours dans l’impasse. Bon. Que pouvait-elle bien faire ? Et si un miracle décidait de pointer le bout de son nez ?

A chaque instant, des visages restes figés dans les mémoires. Pour certains, c'est une fierté. Pour d'autres, c'est un véritable abcès dont-il est impossible de se détacher. Surtout lorsque votre visage sème une sorte de terreur et renvoi à l'image d'un grand danger. A défaut de ne pas pouvoir changer de visage, il faut alors le cacher. Sous la capuche de votre sweet par exemple. Marcher tête baissée, ne regarder que le sol défiler sous vos pieds. Comme honteux d'un acte passé. Voilà, ce qu'il en est pour ces personnes qui ne supportent pas le fait d'être jugé et dénoncé, pour ensuite être poursuivit comme un gibier lâché en pleine chasse à courre.

A force de se cacher, Charlie n'osait même plus croiser son reflet. A croire que lui aussi aurait le réflexe de le dénigrer. Heureusement, il n'y avait aucun risque là-dessus.
Trois semaines depuis cette émission télévisé. Trois semaines et personne ne semblait vouloir oublier, ne serait-ce que le visage au moins. Charlie aurait bien aimé. Au lieu de ça, on le montrait comme quelque chose qui rodait en ville, quelque chose de mal, quelque chose venu d'ailleurs. Des inconnus parlaient de lui, mais sans vraiment le connaître. Il fallait encore supporter cette capuche sur la tête. Elle était une amie fidèle. Une sorte de bouclier à notoriété, même si parfois, cela ne suffisait pas.

C'est le cœur battant qu'il fallait être naturel. Comme si de rien n'était, mais malheureusement, le moindre geste semble suspect. Avancer la tête bien bas, encore plus bas, mais finalement, ça chasse le naturel tout ça. Ça nourrit la suspicion même. Alors, tout d'un coup, il fait chaud. Le cœur élève la cadence, tout comme le rythme des pas. On a beau fermer les yeux dans ses moments-là, ce n'est pas pour autant que l'on disparaît.

Les trottoirs sembles bien long. Difficile d'en voir le bout. Les autres chemins se font bien rare. A croire que c'est un fait exprès. Malédiction ? Malchance ? Ou bien simple hasard ? Dans ce genre de situation, on pense plutôt à la malchance, car on aime l'accuser. Jusqu'à ce qu'elle s'évapore, vous laissant la possibilité de vous blottir sur un autre sentier.

Pour s'y cacher. Il n'y a que ça à y faire, puisqu'elle ne mène nul part. Pourtant, Charlie continue d'y avancer. Toujours le visage caché et baissé. Comme persuadé de connaître cet endroit, comme si ce lieu était votre favoris. Pourtant, il n'y a rien ici. Juste un sol bétonné, humide. Quelques papiers sur le sol. Des murs de brique, pour certains décoré de graffitis fait à la hâte. C'est bien justement parce qu'il n'y a rien dans cet endroit que l'on s'y rend lorsque l'on veut s'y cacher.

C'est alors que l'on vient frôler, effleurer même. Juste le temps d'échanger un regard avec celle que l'on vient de bousculer malencontreusement, pour ensuite poursuivre sa route. Une courte route. Car c'est une impasse. Alors on s'arrête. Surpris et bête à la fois. Un peu comme dans un labyrinthe lorsque l'on fait fasse à un cul-de-sac. Faire demi-tour. Il n'y a que ça faire. Un va et vient, comme quelqu'un qui a perdu la tête, comme quelqu'un qui ne sait plus où il va, n'y se qu'il fait. Alors, Charlie se retourne. Faisant face à la seule chose qui puisse vivre dans cette ruelle.
Elle semble d'ailleurs s'imposer sur sa route, mais Charlie n'a pas grand chose à lui délivrer. Enfin, c'est se qu'il croit. Un regard sur la main blessé. Et comme un magnifique benêt, il lui fit remarquer.

- V...vous saignez.

Comme si de simple parole pouvait l'obliger à se mettre de côté.

Alex avait la tête baissée, observant sa main poisseuse. Le sang coulait. Elle aurait pu dessiner quelque chose avec. Oh oui, et ce quelque chose aurait soudain prit vie, devant ses yeux. Elle ne se lassait jamais de ce spectacle ! Voir sa propre création, son chef d’œuvre bouger, c’était unique, exceptionnel. Elle adorait ça, et prenait une totale satisfaction à admirer les premiers pas de ses dessins vivants.
Le sang. Rouge. Hypnotisant. Ca lui rappelait pourtant tant de mauvais souvenirs. Les flaques dans la maison. Cauchemar. Horreur. Et tant d’autres adjectifs. Des bruits de pas se firent entendre. Le type revenait ? Non, il n’était pas suicidaire. A moins que…Il n’ait envoyé quelqu’un pour achever Matthews ? Ce serait sans doute ce qu’il y avait de mieux à faire, car elle allait retrouver sa trace, tôt ou tard. Elle ne savait pas encore comment, mais il était hors de question que cette mission soit un échec ! Aussi fixait-elle avec appréhension l’entrée de la ruelle. Ou bien était-ce la sortie ? Oh peu importe ! Petit à petit, une ombre se dessina, et finalement, une silhouette s’engouffra dans l’impasse. Alexandra ne pouvait pas voir le visage de la personne. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle marchait tête baissée, une capuche vissée sur son crâne. Hum ? Cette personne l’intriguait. Sans osciller une seule minute, la Confrériste la regardait s’approcher. C’était un homme visiblement. Sans doute un adolescent vu la corpulence. Oui, elle était plutôt douée pour deviner ce genre de choses, Matthews. Pourquoi cachait-il son visage de la sorte ? Avait-il honte de quoi que ce soit ?

L’inconnu passa près d’elle, et la bouscula. Euh…Alex le suivit du regard, ne sachant si elle devait hurler après lui ou lui demander si tout allait bien. Parce que ce gars n’avait pas l’air au mieux de sa forme. Bon ok, ce n’était pas le genre de la fille aux cheveux rouge cerise de s’inquiéter et de poser des questions. Mais lui, là, il avait vraiment l’air d’avoir le moral dans les chaussettes. Le blues, elle l’avait déjà eu, elle aussi. Elle s’apprêtait à demander au jeune homme s’il allait bien mais il se retourna soudain. Ah il venait de réaliser qu’il était piégé dans cette rue. Avec elle. Elle qui était une dangereuse petite tueuse. Qui avait du sang sur les mains, et pas qu’actuellement. D’ailleurs, lorsqu’il leva les yeux pour l’observer, l’inconnu remarqua justement ce léger détail. Comprenez que c’est de l’ironie. N’importe qui aurait pu voir qu’elle saignait.

Ah, brillante déduction ! Le garçon venait de lui faire signaler justement qu’elle perdait un peu de sang. En temps normal, elle aurait très bien pu répondre quelque chose du genre « Nan c’est du ketchup, andouille ! » mais là…Il n’allait visiblement pas bien, et en plus il se souciait d’elle. Comme s’il n’avait pas assez de problèmes à lui tout seul. Alors que devait-elle faire ou dire ? « Ce n’est rien, j’ai l’habitude. » Non, on n’est pas dans un mauvais film. Même s’il était vrai qu’elle avait l’habitude d’encaisser les coups et les blessures. C’était une fille de la rue, elle était solide comme un roc. Rien qu’en plongeant son regard dans ses yeux, on pouvait lire qu’elle n’avait pas eu un passé facile, mais qu’aujourd’hui elle était pleine d’ambitions et de déterminations. Instinctivement, elle resserra un peu plus son autre main autour de l’autre.

▬ Oui je…Je me suis ouverte en tapant dans ce mur.

Bon, elle avait l’air complètement stupide à dire ça, mais c’était la vérité, après tout. Innocente. Elle semblait si innocente. Comme si la Confrériste n’avait jamais existé. Ses yeux, d’ordinaire marron, virèrent au bleu une fraction de secondes pour reprendre cette jolie teinte noisette. Elle ne savait pas réellement quoi dire, et en plus, elle venait de déclarer ouvertement avoir frappé un mur. De quoi avait-elle l’air ? D’une folle avec la main en sang. Guère rassurant, admettez-le. Tiens, et voilà que c’était au tour de ses cheveux de lui jouer un tour ! La pointe commençait à virer vers le blond. Oui, même si elle contrôlait son pouvoir, lorsque certains sentiments prenaient le dessus, alors son pouvoir de transformation n’en faisait qu’à sa tête ! Pas facile cette vie. Et dire qu’elle ne s’en rendait même pas compte. Sinon, croyez bien qu’elle aurait atténué tout sentiment !

Effectivement. Cela expliquait ceci. Mais pourquoi un tel geste ? Charlie avait brièvement répondu d'un hochement de tête. Frapper un mur, c'était un acte qui lui semblait assez étrange. Pour d'autres, ce serait certainement un geste ridicule. Une raison pour se moquer peut-être. Quoi qu'il en soit, Charlie n'avait aucune envie de se moquer, d'ailleurs, c'était-il déjà moqué de quelque chose ? Il n'avait pas souvenir. A ses yeux, cette blessure n'avait rien de gravissime. Quelques sutures suffiront certainement à refermer cette plaie. Ni plus, ni moins.

Sur ce, Charlie aurait pu tracer sa route. Ignorer à nouveau cette fille. Mais. Il y avait un mais. Ses yeux, ses cheveux, mais plus particulièrement ses cheveux, car c'était ce qu'il y avait de plus visible. Ses cheveux changeaient. La pointe de ses cheveux plus précisément. Charlie les dévisageait et comprenait alors. Du rouge, ils virèrent au blond. Comme par enchantement. Mais les enchantements n'avaient pas leur place en Amérique. Comme par miracle. Charlie était bien placé pour savoir que les miracles, non plus, n'avaient pas leur place en Amérique.

De nouveau, il regarda sa main. Quelques sutures. Ni plus, ni moins ? Charlie le savait très bien. Elle pourrait se passer de suture. Elle pourrait. Si seulement Charlie se décidait à intervenir. Guérir, après tout, rien ne lui était plus simple que de guérir. Un simple touché suffirait. Ni plus, ni moins.

Cependant. Charlie n'avait rien décidé de tout ça. Intervenir, après avoir passé autant de temps cloîtré dans une chambre d’hôtel en attendant que tout s'apaise enfin ? Et si tout recommençait ? Et si la chose se réveillait encore une fois ? Charlie n'avait pas confiance. Plus confiance en ses moyens. Pourtant, pouvait-il encore laisser quelqu'un avec une blessure ? N'avait-il pas été élevé pour guérir et soigner ? N'avait-il pas été élevé pour faire en sorte de réparer les choses ? Mais, il pouvait aussi les détruire. Non, il n'en ferait rien. Des sutures, c'était ce qu'il faudrait pour cette main. Ni plus, ni moins.

- Vous devriez...faire soigner ça. Ce n'est rien, mais, ça peut se compliquer. Dit-il, refusant ainsi de s'en mêler d'avantage, malgré le regret qui s'affichait dans son regard. Et vous devriez...faire attention à vos cheveux. Avait-il finit par lui faire remarquer, tandis que discrètement, la plaie avait brusquement cessé de saigner, sans pour autant se refermer.

L’inconnu la fixait. Quoi ? Y avait-il un soucis ? Avait-elle une grosse tâche sur le t-shirt ? Elle aurait bien voulu lui poser la question froidement, comme elle le faisait toujours lorsqu’on la dévisageait, mais…Elle ne parvenait pas à se montrer dédaigneuse avec ce type. Un étrange pressentiment l’habitait. Il avait l’air unique. Ce n’était peut être que le fruit de son imagination. Elle était fatiguée par son filage de plusieurs semaines raté, alors elle s’imaginait sûrement des choses, oui ! Et bien sûr, c’est toujours lorsqu’on a ce genre d’impressions qu’on ne peut pas poser la question ! Pourquoi ? Mais parce que tout simplement c’était trop étrange de demander au premier venu s’il était différent, s’il était un mutant. D’ailleurs, ce mot effrayait pas mal de monde. Il faut dire qu’avec les agissements de la Confrérie, il y avait effectivement de quoi avoir peur. Alex elle-même était une des plus actives de la bande à semer la zizanie à droite à gauche.

Le garçon observait décidément sa plaie avec attention. Oh, ça va, ce n’était pas la fin du monde ! Ca piquait un peu, point. Il redressa la tête, et lui fit une remarque. Même deux. La première sur sa petite hémorragie. Se compliquer ? Oh ça n’effrayait pas Matthews ! Elle n’était pas une de ces stupides chochottes insignifiantes qui geignait à la moindre piqûre de moustique. Non. Elle était bien plus forte que tout ça. C’était sans doute son passé qui l’avait à ce point endurci. Toujours est-il qu’elle était devenue cette impitoyable demoiselle qui aimait faire le mal.
La deuxième remarque était destinée à ses cheveux. Si au début la Confrériste se demanda ce que pouvaient avoir ses cheveux, très vite elle se rappela qu’elle éprouvait une certaine compassion pour ce jeune homme. Oh non ! Aussitôt elle se retourna et s’empara d’une mèche de cheveux. Le bout était blond ! Misère ! Elle qui voulait épargner ce gars, elle allait devoir le tuer ? Elle se maudissait de toutes ses forces, et pesta peut être un peu trop fort. Le juron lui avait échappé, mais tant pis. Elle décida de miser le tout pour le tout. Après tout, qui ne tente rien n’a rien ! Elle se retourna, et tant pis pour ses pointes blondes. Elle ne pouvait plus les dissimuler, de toute manière ! Il les avait déjà remarqués ! D’ailleurs, elle, elle n’avait pas encore constaté que le sang avait arrêté de couler.

▬ Ah oui ! A propos de mes cheveux ! On pourrait croire que la pointe est blonde mais en fait ça dépend du soleil !

Mais qu’est-ce que c’était que ce mensonge moisi ?! En plus, elle était gênée, ça s’entendait même dans sa voix ! Pathétique ! Matthews était pathétique sur ce coup là ! Pour un peu, elle se serait bien détestée mais…Elle s’aimait trop pour cela. Elle retint une grimace qui ne l’aurait que davantage trahi, et attendit la réaction du type. Ou il allait se forcer à la croire pour éviter de découvrir quelque chose qui le dérangerait et ne collerait pas avec son éthique du monde, ou bien il ne la croirait pas, et prendrait peut être peur. C’est tout ce qu’Alex lui souhaitait. Car s’il venait à se produire autre chose, comme appeler le Gouvernement pour la signaler ou que sais-je encore, elle serait dans l’obligation de le tuer. Et elle ne voulait vraiment pas faire de mal à ce type ci. D’ailleurs elle qui n’avait jamais éprouvé de compassion pour personne, ou presque, elle aurait peut être du se demander pourquoi elle agissait de la sorte avec lui. Peut être qu’au fond, elle ressentait vraiment qu’il était plus particulier qu’il en avait l’air ?

Charlie n'était pas dupe. Qui aurait pu l'être d'ailleurs ? Si le soleil avait à voir avec ce changement de couleur, alors peut-être était-il responsable du fait que la main ne saignait plus. Le soleil avait bon dos, mais au moins, on ne risquait rien en l'accusant.
Au fait, pourquoi ce juron si ce n'était que le soleil ? Était-ce destiné à cet astre ? Charlie avait trouvé cette réaction amusante, mais n'en montra pas le moindre sourire. Autant garder son sérieux, la jeune fille avait déjà bien assez de mal pour s'expliquer et peut-être qu'elle le prendrait mal. Après tout, Charlie ne savait rien de cette fille. Tout du moins, il en ignorait le nom. Peut-être qu'elle n'était même pas du coin. Il ne savait même pas ce qu'elle avait à faire dans cette ruelle, ni même ce qui l'avait mené à cogner un mur. Peut-être que – tout simplement – rien de tout ça ne le regardait.

Elle n'était pas la première qu'il voyait. Et ce n'était certainement pas la dernière. Elle était exactement ce que Charlie était. L'un de ces spécimens qui pouvait attiser autant de curiosité que de peur dans une population. Pourtant, ni l'un, ni l'autre, ne semblait vouloir l'avouer.

Charlie observa une dernière fois la main de cette fille. Une main sur laquelle une plaie venait à se guérir d'avantage, mais ce n'était pas encore complet. Le pouvoir de Charlie semblait prendre les devants, d'une manière plutôt lente, mais pour Charlie c'était déjà assez. Au moment où il s'en était rendu compte, tout s'arrêta et tout régressa. La plaie s'ouvrit de nouveau et s'y écoula à nouveau le sang dont quelques gouttes venaient mettre un peu de couleur sur le bitume.

Lorsque Charlie reporta son attention sur le visage de cette fille. L'expression qu'elle y portait venait à lui faire comprendre qu'elle aussi, elle venait de lui découvrir un don. Elle semblait chercher une explication à cette main qui pourtant en bon chemin, venait soudainement de reprendre sa blessure.

- Le soleil sans doute. S'expliqua Charlie. L'ironie dans l'intention de sa réponse. Une manière bien délicate de montrer qu'il n'était pas assez idiot pour croire en de telle explication. Elle comprendrait certainement, elle ne semblait pas idiote. Sur ce, Charlie s'apprêtait à reprendre sa route, mais semblerait que ce n'était pas à lui que lui revenait le dernier mot. Alors, il repoussa son départ. Restant à sa place, écoutant ce qu'on avait à lui dire.

Combien de temps passa sans qu’aucun des deux ne prenne la parole ? Alex n’aurait pas su répondre à cette question. Le temps s’était arrêté au moment même où ce type lui avait fait une réflexion sur ses cheveux. Elle réfléchissait déjà aux diverses méthodes pour l’éliminer. Car s’il cherchait à lui mettre des bâtons dans les roues, il faudrait agir vite. Et bien. Sans laisser de trace. Pour que personne ne puisse ni remonter à elle, ni aux mutants. Non pas qu’elle cherche à ce que les humains aient une vision juste d’elle et les siens, après tout, elle était dans la Confrérie. Non. Juste pour éviter qu’on mène une enquête. Car s’il fallait chercher des mutants qui n’hésitaient pas à tuer, son groupe serait dans les premiers. Même aveuglés par leur haine de la différence, les Hommes continuaient à se servir de leur cerveau. Et même s’ils clamaient haut et fort que tous les mutants étaient le mal, ils savaient en fait que non. Ce n’était que ce dont ils cherchaient à convaincre la populasse. Et cette dernière, naïve, buvait leurs paroles. Ah ! Ca énervait Matthews ! Pourquoi ne pas ouvrir les yeux ?! Pourquoi ne pas voir qu’au fond, les seuls monstres dans l’histoire, c’étaient ceux qui les chassaient. Sans eux, tout serait tellement plus simple !
Un léger picotement ramena Alexandra à la raison. Elle laissa échapper un léger aïe, avant de reporter son attention sur sa main. Tiens, la plaie était à nouveau ouverte. Mais…Quelques instants auparavant, le sang avait cessé de couler. Pourquoi recommençait-il ? Il se passait quelque chose de louche, et la demoiselle ne parvenait pas à quitter ses jointures ensanglantées des yeux. Qu’est-ce que ça pouvait bien dire ? Avait-elle développé un nouveau pouvoir ? Après tout, ça lui était bien arrivé, avec ses dessins. Ils étaient apparus comme ça, du jour au lendemain. Sans crier gare. Mais…Elle n’y croyait pas trop. C’était tentant, mais ça n’arrivait pas aussi tard. Ce pourrait-il que…Ce soit l’inconnu qui était responsable de tout ça ? Le regard de la jeune fille se releva très lentement vers lui. Après tout, il était le seul autre être vivant dans le coin. Et ce n’était pas par magie que ça arrivait. La magie, ça n’existait pas ! Seul les pouvoirs et les gènes avaient leur place dans ce monde. Et encore, elle n’était déjà pas très grande, leur place. Alors ajouter à cela la magie…Ca ne plairait pas du tout aux humains. C’était assez risible, d’une certaine manière. Mais Matthews ne pouvait pas rire, trop occupée à fixer l’adolescent face à elle. Ce dernier lui répondit en prétextant la même excuse qu’elle. D’accord, il marquait un point, et Alex aurait bien souri, si elle ne venait pas de comprendre que se dressait devant elle un jeune homme avec un potentiel exceptionnel ! Il venait de la soigner sans la toucher ! Oh ! Elle imaginait déjà les avantages d’avoir un allié avec un pouvoir aussi puissant ! Les X-mens s’en mordraient sévèrement les doigts ! Et le Gouvernement également ! Oh oh ! Elle en aurait presque sautillé de joie, mais elle réalisait encore mal ce qui lui arrivait. Elle venait de tomber sur le jackpot ! Elle s’obligea à ouvrir la bouche, malgré l’air stupéfait dépeint sur son visage.

▬ Tu…Tu en es un aussi ?

Même si les mutants devenaient de plus en plus communs, elle avait toujours assez de mal à réaliser qu’elle en rencontrait un. Qui plus est par hasard ! Ca lui rappelait d’ailleurs que ce cher Ryder ne semblait toujours pas vouloir se joindre à la Confrérie. Rah ! Comme si c’était plus amusant de se retrouver chez ces coincés d’X-mens ! Ils avaient tellement de contraintes ! Ca devait être lassant ! Mais lui, là, en face d’elle. Il semblait perdu. Peut être que si elle lui prêtait main forte, il accepterait de rejoindre la Confrérie ! Elle jeta un coup d’œil vers la sortie de la ruelle, et comme il n’y avait personne, daigna montrer ce dont elle était capable.

▬ Regardes !

Pas besoin d’attendre une confirmation. Il était maintenant sûr qu’il en était un aussi. Matthews respira profondément, se concentrant, même si ça ne lui demandait pas plus de calme que cela. L’instant d’après, ses cheveux d’un rouge cerise passèrent au blond, avant de revenir à leur couleur précédente. Devait-elle également lui dire qu’elle animait ses dessins ? Hum…Elle garderait ça en réserve, histoire de finir de le convaincre s’il hésitait.
Maintenant, il n'y avait plus qu'à attendre la réaction du jeune mutant face à elle.

Charlie regardait avec un certain émerveillement. Comme un gosse devant un tour de passe-passe. Elle passait du rouge au blond, devant ses yeux, par simple effort de concentration. Ainsi, ils jouaient carte sur table. Chacun faisant découvrir – en partie – son pouvoir, entre les murs d'une impasse, loin de tout regard. Des regards qui pourraient leur coûter leur tranquillité.
Alors, elle aussi, elle se cachait dans cette ruelle ? Elle aussi, elle risquait tout autant que Charlie à déambuler dans les rues à visage découvert ? Son pouvoir s'arrêtait-il seulement à la couleur de cheveux ?

- C'est...fascinant. Dit-il suite à un sourire plutôt bref, son regard parcourant la chevelure blonde. Charlie aurait aimé en montrer autant, avec autant de facilité qu'elle avait eu pour changer ses cheveux de couleur. Mais, Charlie ne souhaitait surtout pas jouer avec le feu. Un feu qui était le sien. Un feu qui pouvait être autant bénéfique que funeste. Alors, autant ranger sa paire de main dans les poches de son sweet à capuche. Si la jeune fille s'attendait à un démonstration, elle se mettait le doigt dans l'oeil. D'ailleurs, elle en avait eu un très léger aperçu. Pour Charlie, cela suffisait largement. La preuve, c'est ce qui avait mené la jeune fille à conclure qu'il n'était pas si différent d'elle.

New-York regorgeait d'autant de mutant que d'humain. Oui, à New-York, il était préférable de faire la différence entre Mutant et Humain. Tout du moins, c'est ce que Charlie avait cru comprendre. Plus il arpentait les rues de New-York et plus il avait cette sensation de ne plus être considérer comme un être humain, mais comme quelque chose venu d'ailleurs. Est-ce que elle aussi, elle ressentait la même chose ?

- Et...comment tu...t'en sors ici, à New-York ? Toi aussi, tu te planques ? Demanda Charlie.

Cela pourrait au moins expliquer ce qu'elle faisait dans une ruelle, toute seule. Charlie ne voyait pas d'autres explication que celle-ci. Elle se cachait certainement, pour ne pas se faire avoir. Mais, Charlie était loin d'imaginer qu'elle n'avait pas ce soucis-là, qu'elle ne cherchait pas à se planquer.

Fascinant. Il trouvait son pouvoir fascinant. Et encore, il n’avait pas encore tout vu. Ses yeux pouvaient également changer de couleur. Et ses dessins s’animaient ! Ils prenaient vie. C’était des pouvoirs assez surprenants, qu’on ne rencontrait pas à tous les coins de rue. Mais celui de son interlocuteur s’avérait aussi passionnant que les siens. En avait-il plusieurs, comme elle ? Celui de guérison s’avérait déjà parfaitement passionnant.

Les questions qui suivirent débutèrent la conversation. Après tout, le jeune homme se renseignait. Il voulait savoir si elle se terrait. « Toi aussi ». Cela voulait dire que lui se planquait. Le monde l’effrayait ? Il y avait de quoi. Lorsqu’on est mutant, les humains sont la plus grande peur, même s’ils ne peuvent rien, si ce n’est injecter le vaccin qui fait tant polémique. Pour Alex, il était clair que jamais elle ne se ferait faire cette piqûre. C’était totalement hors de question. Elle fit un sourire, avant de passer une mèche derrière son oreille.

▬ Je m’en sors plutôt bien. C’est ça d’être dans la Confrérie.

Aaah, la Confrérie ! Mais qu’aurait-elle fait sans St-John ? Elle se serait sans doute terré toute sa vie dans cette pauvre ruelle. Mais lui, il était intervenu. Il l’avait aidé, l’avait tiré de cette vie de misère. Pourquoi ? Elle ne le saurait sans doute jamais. Mais en tout cas, elle avait rejoint la Confrérie. Elle avait la même façon de penser que lui. Et elle se sentait redevable. Alors elle voulait se montrer digne de la confiance qu’il lui avait offert. Elle voulait lui montrer qu’elle était supérieure aux autres. Elle appréciait ses camarades, mais…Elle les jalousait de connaître depuis plus longtemps St-John. C’était son mentor, celui qu’elle adorait, qu’elle suivrait jusqu’au bout. Celui à qui elle sauverait la vie un jour. Le seul pour qui, si un jour devait se faire piquer, elle se placerait entre lui et le vaccin. Oui, elle sacrifierait ses pouvoirs, pour lui. Elle n’hésiterait pas. Oui pour lui, elle était bel et bien prête à tout. Elle le considérait presque comme son père. En fait, il importait plus à ses yeux que ce dernier. Puisqu’après tout, l’autre l’avait séquestré dans une cave, pour son bien. Son bien…Qu’est-ce qu’il savait de son bien !? C’était un incompétent ! Il avait gâché son enfance ! Là où d’autres enfants connaissaient les joies et insouciances des premières années, elle n’avait connu que les ténèbres de sa Cave. Parce que ses parents craignaient la réaction des autres. A la fin, ils avaient même commencé à avoir peur d’elle. Elle, cette pauvre enfant qui ne demandait, à l’époque, qu’un peu d’amour. Maintenant, son prix avait changé. Ce qu’elle voulait ? L’extermination de la race humaine. Complètement. Excepté les mutants bien sûr.

▬ Tu fuis les humains toi ?

Oui, il avait finalement réussi à ne la rendre que plus curieuse. Elle voulait savoir. S'il se montrait franc et honnête, elle lui montrerait peut être son autre pouvoir !

Les humains. Charlie n'en avait jamais été, tout du moins, on ne lui avait jamais montré le contraire. Il était une chose. Une chose que l'on se disputait, une chose que l'on faisait semblant d'apprécier car on savait ce qu'il pouvait apporter, une chose que l'on dressait sur une scène, un peu comme un animal à travers la cour d'un cirque. Charlie n'avait été que ça ; une chose. Alors, lorsque la jeune fille lui parlait d'Humains, cette distinction ne le surprenait pas. La seule chose qui pouvait le surprendre, c'était qu'elle n'avait pas à les fuir.

Charlie n'avait fait que ça. Fuir et se cacher, car on lui en voulait. Cependant, il n'avait jamais su ce qu'on de quoi on lui voulait. Était ce parce qu'il était un Mutant ? Ou bien, était ce à cause de son premier et grand homicide ? Un peu des deux certainement. En tout cas, Charlie n'avait pas intérêt à commettre la moindre erreur, il savait ce qui l'attendait, il savait les menaces qui pesait au dessus de sa tête si jamais il venait à se faire attraper, il savait aussi la menace qu'il était, si jamais il ne parvenait pas à se maîtriser. Charlie Shill était un danger que l'on devait traquer, juger et neutraliser. Ainsi en avait décidé le Procureur lors d'une conférence de presse qui avait été retransmis dans plusieurs journal télévisé. Il craignait la détermination de cet homme et si Charlie n'avait pas été forcé de quitter l'hôtel dans lequel il se trouvait, il y serait encore. Cloîtrer comme un rat dans son trou.

Déjà bien avant New-York, le monde extérieurs n'a jamais inspiré grande confiance à Charlie. Ce dernier préférait largement se contenter de l'espace d'une chambre ou bien de la petite cour arrière de la maison. Cela arrangeait son père qui n'avait jamais cherché à encourager son fils à s'approcher des autres, bien au contraire, il préférait l'avoir avec lui, loin de 'toutes mauvaises fréquentations'.

- Oui...il vaut mieux. Je suis dangereux. Dit-il avant de reprendre rapidement. Enfin, je suis pas dangereux tous les jours. Enfin, je penses. A croire qu'il voulait rassurer la jeune fille. C'est juste que... Tout en ne sachant l'expliquer clairement. Je suis pas quelqu'un de...bien. Dit-il sans vraiment être convaincu de ce qu'il avançait. A son regard, on pouvait voir qu'il cherchait une autre réponse, mais rien ne semblait lui venir dans l'immédiat, c'est qu'il demanda. Et c'est quoi...la confrérie ?

Alex écoutait l’autre mutant. Il parlait, enchaînant les phrases, comme s’il se justifiait. Dangereux. Il avait dit être dangereux. Les yeux de la jeune fille s’étaient légèrement agrandis. Dangereux. Ce mot lui plaisait. Elle ne voyait pas en quoi soigner quelqu’un était risqué, mais elle se douta rapidement que ce jeune homme près d’elle avait un autre pouvoir. Un peu comme elle. Et si cet autre pouvoir était aussi intéressant que le précédent…Il lui faudrait le convaincre de rejoindre la Confrérie. De toute manière, s’il était scabreux d’avoir une bombe humaine ou quelque chose dans ce genre dans leur groupe, les X-mens n’en voudraient pas. Elle avait donc un peu plus de chance de se le mettre dans la poche. Quoi que connaissant ces horripilants mutants, ils viendraient mielleusement lui dire qu’ils pouvaient l’aider. Mais ils ne pouvaient pas ! Il n’y avait qu’Alex qui pouvait ! Car elle comprenait très bien ce qu’il ressentait ! Et au fond, elle sentait qu’ils étaient plus similaires que ce qu’ils n’auraient pu imaginé l’un et l’autre.
Pas quelqu’un de bien. Matthews se retint de ricaner. Ce n’était pas elle qui était du genre fréquentable. Après tout, notre petite Miss était une vraie peste. Une rebelle qui se fourrait dans le pétrin. Parfois même, elle se mettait dans de telles situations que s’en sortir toute seule était impossible. Alors si lui n’était pas quelqu’un de bien, elle, elle était le Diable. Ou tout du moins une forme assez proche de ce dernier.

Ah ! Maintenant, il se demandait ce qu’était la Confrérie. Son interlocutrice jaugea la rue du regard, et finalement, alla s’asseoir sur une poubelle en fer. Ses jambes se balançaient d’avant en arrière, donnant de légers coups dans l’armature métallique de l’objet. Elle eut un petit sourire.

▬ La confrérie, c’est mon chez moi. Ce sont d’autres mutants, qu’on prétend dangereux. Comme toi et moi.

La demoiselle trempa son doigt dans le sang qui coulait de sa main, et traça une hideuse créature sur le couvercle de la poubelle. Une lumière blafarde s’évada du griffonnage, et l’instant d’après, plus rien. Près d’elle se tenait la bestiole qu’elle venait de dessiner, mais elle était désormais vivante. La main de la jeune fille passa sur le couvercle, et brouilla le dessin. Aussitôt, la chose disparut soudainement de la ruelle. Alex redressa la tête vers l’adolescent, toujours son petit sourire aux lèvres.

▬ Tu vois, nous sommes pareils, toi et moi. Les gens ont peur de nous et nous décrètent dangereux. Mais nous ne le sommes pas. Tout du moins, pas si nous ne le désirons pas. Les humains ne nous comprennent pas. D’ailleurs, ils ne nous comprendront jamais. Ce sont des idiots.

En disant cela, bien sûr, elle pensait un peu à son père et sa mère. Ces crétins qui l’avaient enfermé dans la Cave, prétendant que c’était une chambre, qu’ils faisaient ça pour son bien. Mais ils ne le faisaient que pour eux. Pour qu’on ignore qu’ils avaient un monstre à la maison. Une hérésie de la nature. Les poings de la jeune fille se serrèrent. Ils ne lui manquaient pas, ces deux là !

▬ Ce sont eux, les monstres, déclara t-elle plus pour elle-même que pour le jeune homme près d’elle. Au fait ! Moi c’est Alex ! Ajouta-elle en tournant la tête vers lui.

On pourrait croire à un rêve, car tout semble suffisamment fou pour être réelle. Mais la vie était belle et bien folle, folle de toutes ses choses surprenantes qu'elle pouvait offrir ou imposer. Ainsi, une créature pouvait surgir d'un dessin, tout aussi bien qu'une jeune fille pouvait changer quelques détails de son apparence, ou encore un jeune homme capable de guérir sans la moindre connaissance médicale en tête. A croire que tout semblait être possible en ce Monde.

Charlie voyait la créature se dissoudre. Lui-même, presque incertains de ce qu'il venait de voir. Comme toutes nouvelles choses, il faudrait du temps pour s'y habituer et pour ne plus y porter autant d'attention. Ainsi, la jeune fille lui dévoilait un second pouvoir. Un pouvoir qui permettait de donner la vie, de donner une existence à des êtres venu d'un imaginaire. Oui, il trouvait cela fascinant.

La créature avait finit par se dissiper, laissant place à un petit discours que la jeune fille articulait avec certitude. Des idiots. Tous. Rien que des idiots apeurés dont le seul pouvoir est celui des préjugés. Des idiots bien incapable de comprendre, d'ailleurs faudrait-il encore qu'ils cherchent à comprendre. Ce discours, il semblait alimenter par la rage, la haine envers l'espèce humaine. Une colère que Charlie n'avait encore jamais exprimé, une colère dont-il ne se sentait même pas concerné, car pour Charlie...ils avaient raison, il était dangereux et peut-être qu'il n'était pas facile de comprendre toutes ces choses bizarroïdes qui se manifestait d'une part et d'autre du continent. Quoi qu'il en soit, la jeune fille venu à s'en présenter. Elle se nommait Alex.

- Charlie. Répondit-il.

Elle le pensait vraiment ? Elle considérait vraiment toutes ces personnes de Monstres ? Elle leur en voulait réellement ? En tout cas, elle semblait ne pas regretter le moindre mot. Charlie réfléchit un instant. Qu'est-ce qu'ils avaient lui faire ? Était ce cette sorte de discrimination mutante qui forçait à penser ainsi ? Ou bien est-ce autre chose ? Quelque chose de plus...fou ?

- Pourquoi ils ne comprendront jamais ? Demanda Charlie après quelques secondes de réflexions. Oui, pourquoi était-elle si certaine de ça ? Peut-être fallait-il du temps pour que toutes ces choses s'arrangent. Mais ça aussi, Charlie n'en était pas sûr. Mais pourquoi pas.

Charlie hein ? Alex n’oublierait pas ce nom. Désormais, sa seule et unique ambition serait de le faire rejoindre la Confrérie. Lui, son pouvoir…Ils étaient tout ce dont ils avaient besoin pour vaincre les X-mens, et le reste du monde. C’était tout ce qu’il leur fallait. Et puis…Il semblait un peu paumé, et Matthews commençait à ressentir un peu d’affection pour lui. Elle avait envie de le protéger, un peu comme une grande sœur aurait protégé son petit frère. D’ailleurs, la question de son nouveau protégé l’amusa un peu. Tout le monde savait bien que les humains étaient tous définitivement stupides. Ils tendaient le bâton pour se faire battre. Lorsqu’ils avaient appris l’existence des mutants, ils auraient du accepter cette réalité, plutôt que de se rebeller. C’était ainsi que tout avait commencé. C’était à partir de ce moment que la mentalité de certains mutants avait changé. Et s’ils s’étaient montrés plus malins, Alexandra serait sûrement de leur côté aujourd’hui. Mais ce n’était pas le cas. Ils n’avaient pas réussi à utiliser le peu de matière grise qui occupait leurs cerveaux.
Le regard de la demoiselle se perdit dans le vide. Pourquoi ils ne comprendraient jamais ? Soupir.

▬ Pour la simple et bonne raison qu’ils ont peur de la différence. Que pour eux tout ce qui ne rentre pas dans la normalité doit disparaître de ce monde. Comme une fille qui donne vie à ses dessins, ou un garçon qui soigne les blessures. Tu n’as peut être pas rencontré les pires d’entre eux, mais crois moi, je sais ce dont je parle.

Elle pensait toujours autant à ses parents. A ses traitres qui avaient gâché son enfance. Qui en avaient fait les ruines d’un bonheur inexistant. Et c’était à travers ses ruines que l’esprit s’était baladé, jusqu’à finir par haïr tous les Hommes. Alex serra les poings, et continua avec plus de rage qu’auparavant.

▬ Même tes parents ont peur de toi ! Ils sont heureux d’avoir un enfant, et lorsqu’ils se rendent compte de ce qu’il est, PAF, ils l’enferment dans une pièce à l’abri des regards, pour que jamais personne ne sache qu’un monstre vit avec eux.

Ses yeux la piquaient, mais elle refoula les larmes qui montaient. On sentait bien qu’elle parlait de son propre vécu, et que ce n’était pas là une histoire qu’elle avait choisi au hasard de décrire. Même si elle ne l’avait jamais avoué à voix haute, oui, Alexandra avait été profondément heurtée que ses parents la traitent comme une criminelle, alors qu’à l’époque elle n’était qu’une pauvre enfant. Une innocente gamine qui n’aurait jamais fait le moindre mal à son père et à sa mère. C’était eux qui l’avaient rendu aussi détestable, qui avaient pourri son cerveau de toutes ces horreurs à propos des humains. Elle s’était façonnée sa propre opinion de ce monde, et tout ça, c’était de leur faute à eux ! Alors pourquoi ça lui retombait toujours au coin du museau ?! Aaaah ! Elle les haïssait, et elle était bien heureuse que sa mère soit morte dans d’atroces souffrances ! Parce que c’était elle la pire des deux. En fait…Dans l’esprit d’Alex, ce n’étaient pas les mutants les monstres, mais bel et bien les humains. Et personne ne lui ferait changer d’avis.

Sa main n'était rien comparé à la blessure qui suintait à l'intérieur de cette jeune fille. Une blessure que seul le temps pourrait guérir, enfin, c'est ce que l'on aime croire ou bien dire. Une foutaise parmi tant d'autre. Le temps ne guérit rien, tout du moins pas toujours. Bien souvent, il infecte d'avantage. Charlie comprenait pourquoi ce discours, pourquoi cette haine. Elle n'était pas gratuite, elle était justifiée. C'était déjà ça.

Si Charlie n'avait pas connu les pires, Alex n'avait pas connu les meilleurs. Est-ce la chance ? La malchance ? Le destin ou encore une autre ânerie de ce genre ? Quoi qu'il en soit, Charlie se considérait chanceux. Chanceux de ne pas avoir eu des parents semblables à ceux d'Alex. Cette dernière n'en était pas sortit indemne de sa prison, peut-être aurait-elle été autrement si elle n'avait pas eu à vivre tout ça. Certainement.

Charlie avait écouté. Il était étrange d'entendre quelqu'un confier un morceau de son histoire. D'ailleurs, pourquoi avait-elle racontée ? Peut-être pour poursuivre son explication, ou peut-être par simple envie ou besoin. En tout cas, elle n'avait pas été obligée. Surtout pas de la part de Charlie.

- Mon père m'a toujours dit que la colère ne servait à rien, seulement à rendre plus mauvais. Glissa Charlie. Et je crois, que quelque part...il avait raison. Enfin, je dis pas ça pour toi, je suis sûr que t'es pas quelqu'un d'aussi mauvais que ce que les autres pensent. Seulement, tu t'es déjà demandé si il existait des personnes qui seraient un peu plus...ouvert ?

Il lui était impossible d'imaginer qu'il n'y avait que des idiots. Il devait certainement y avoir des personnes qui acceptaient les Mutants. Sûrement. Ou pas. Peut-être même, y en avait-il à New-York. Peut-être pas la majorité, cela va s'en dire, mais quelques uns. Une dizaine suffirait pour renverser la situation, ou tout du moins l'arranger. Charlie rêvait, certainement. Peut-être même semblerait-il trop naïf pour pouvoir survivre dans cette société.

- Après tout, tu dis que je n'ai pas connu les pires d'entre eux...c'est bien que quelque part, j'ai connu des personnes prêtent à accepter les différences. Non ? Tu n'as jamais eu envie de partir d'ici, voir ce qu'il en était ailleurs ? Je le ferais si j'avais cette occasion.

La première phrase de Charlie fit ricaner Alex. Oui, il n’avait pas tord. Son cerveau et son opinion du monde pourrissaient de jour en jour, d’heure en heure. Elle haïssait un peu plus ce monde. Et la colère, serpent sournois et vicieux, rampait, attendant le moment propice pour déchaîner les forces de la demoiselle. Si pour l’instant elle la rendait légèrement instable, libérant une irritation aigre-douce, Matthews n’ignorait pas que son courroux n’attendait qu’une chose : revoir son père. Juste pour mieux le tuer, de ses propres mains. Pour l’effrayer. Lui donner une vraie raison de trembler. Le voir implorer. Oh oui. Elle en crevait d’envie. Elle en trépignait d’impatience. Voir le sang paternel couler tout autour d’elle.

La voix de l’autre mutant ramena Alex à la raison. Le sang qui était sur ses mains pour l’instant, c’était le sien. Elle tiqua à l’une des autres phrases. « Pas aussi mauvaise que ce que les autres pensaient ». Oh que si, elle l’était. Et tout ça à cause d’eux. Mais…Que quelqu’un la pense presque innocente, pas dangereuse…Ca avait quelque chose d’apaisant. D’agréable même ! La colère se dissipa rapidement. Elle se contenta d’écouter Charlie. Sa manière de voir le monde…On voyait bien qu’on ne l’avait pas éduquer à la manière Matthews. D’un côté, Le Caméléon l’enviait. Mais de l’autre…Elle pensait qu’il ne tiendrait pas longtemps, lorsque tous sauraient son pouvoir. On le traiterait de danger public. On demanderait à ce qu’on lui administre, de gré ou de force, le « vaccin ». Afin qu’il ne puisse jamais nuire à autrui. Et ça, la demoiselle ne le tolérerait pas ! Un don si formidable, si exceptionnel, se devait d’être protégé. Sa respiration étant redevenue calme et régulière, elle daigna prendre la parole.

▬ Personne n’est bon. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde est mauvais. Néanmoins…Les gens sont persuadés que tous les mutants sont dangereux. Des « machines à tuer ». C’est comme ça qu’ils nous appellent tu sais.

Elle tourna la tête vers lui, pour pouvoir le regarder droit dans les yeux. Elle voulait qu’il comprenne qu’elle le mettait en garde. Il devait se méfier de tout le monde. Parce que personne n’est la personne qu’il prétend. Qui serait assez fou pour déclarer à un mutant de sang-froid qu’il haïssait les siens, et voulait les exterminer ? A part un suicidaire, personne !

▬ Sois prudent, Charlie. Ton pouvoir est fascinant, mais d’autres le trouveront sans doute effrayant, et tenteront par tous les moyens de l’exterminer. Et s’il le faut, toi avec.

Plus que le pouvoir, c’était le mutant qu’elle voulait protéger. Elle sauta de sa poubelle, et, sans hésiter, s’approcha de son interlocuteur. Elle s’arrêta à un bon mètre cinquante de lui.

▬ Si un jour t’as besoin d’aide, n’hésites pas à m’appeler.

Oui, c’était assez stupide, dit comme ça. Parce que ce n’est pas parce qu’il crierait Alex qu’elle volerait à son secours. Elle n’avait pas encore ce genre de pouvoirs. Et ne les aurait d’ailleurs sans doute jamais. Mais elle voulait bien faire comprendre à ce jeune homme qu’elle était une alliée, et non une ennemie. Le soleil commençait à se coucher, lentement. Ils ne tarderaient sans doute pas à se séparer alors, il allait falloir entrer rapidement dans le vif du sujet !

De la prudence, sans aucun doute, il en fallait. Mais pas seulement pour Charlie, pour les autres aussi. Effrayés, ils étaient déjà. Révoltés, bien évidemment. Les conséquences d'un pouvoir fascinant. Fascinant ? Elle le trouvait fascinant. Oui, guérir était fascinant. Mais le contraire l'était beaucoup moins. Mais ça, la jeune 'caméléon' l'ignorait. Elle ignorait qu'il n'était pas toujours aussi aisé de l'approcher de la sorte. Charlie recula d'un pas en arrière. Même si cette distance ne suffirait pas à éviter la chose si jamais tout venait à se déclencher de nouveau. Pour le moment, tout lui semblait calme. Alors elle ne risquait rien.

Ne pas hésiter. Fallait-il venir à New-York pour entendre cela ? Venant d'inconnu, en plus. Reese, puis elle a présent. Alex. Charlie n'avait jamais su quoi répondre. Il se contentait d'un 'merci', sans pour autant se dire qu'un jour il n'hésiterait pas. Tout semblait assez clair dans la tête de Charlie; au moindre problème, personne ne pourrait l'approcher sous peine d'y rester. Alors, il faisait mine d'accepter cette main tendue, car il était impoli de refuser.

Il était dommage pour les autres de craindre une jeune fille comme Alex. Ils ne découvriront certainement jamais la meilleur facette de cette dernière, cette facette que Charlie a eu l'occasion de connaître au détour de cette impasse. Charlie trouvait cela vraiment dommage. Mais c'est ainsi.

En parlant de l'impasse. Elle s'assombrissait légèrement. La nuit ne tarderait pas prendre du service et il serait grand temps pour Charlie de rentrer. Un vieil entrepôt sur les quai de la ville. Le seul endroit où il se sentait assez bien. Il n'y avait que lui là-bas, personne envers qui s'inquiéter à part quelques rats qui aimaient filer en douce dans la coque du vieux rafiot de pêche laissé à l'abandon.

- Tu devrais peut-être y aller...il paraît que les rues ne sont pas très sûr la nuit. Sur ce, Charlie glissa sa capuche au sommet de son crâne. Je suis désolé pour ta main...mais en ce moment, tu comprendras que je ne fais plus tellement de miracle. Ajouta t-il, un presque sourire sur ses lèvres, caché par l'ombre de sa capuche. Un sourire tranché par une pointe de regret.

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