... calling us into the world.

Les vitres teintées de la voiture et le cuir des sièges leur procurait tout le confort et la discrétion dont ils avaient besoin. Pas de chauffeur, pour cette fois. Juste lui, au volant, la menant vers une destination inconnue... Pour elle en tout cas. William avait prétexté le besoin de faire quelques visites dans le centre afin de divertir la demoiselle pour pouvoir emprunter un des véhicules de la société mais s'il avait insisté pour qu'on ne lui impose aucun conducteur, c'était bien parce qu'il ne voulait pas qu'on sache où il l'emmenait réellement. Qui ça ? Eleanor. Qui d'autre, franchement.

« On sera bientôt arrivé. J'espère que ça va te plaire... Ça devrait te changer de la ville en tout cas. »

Depuis un moment déjà, Willy avait cherché à la faire sortir pour qu'elle puisse s'aérer un peu l'esprit. Certains auraient pu dire que c'était dangereux, mais il n'était pas là pour rien après tout, il la protégerait tant qu'il respirait. Elle n'était pas à enfermer, ce n'était pas une otage quand même... A moins que Stark la retienne vraiment, mais l'idée l’écœurait d'avance. Qu'il l'enferme contre son gré, qu'il lui fasse le moindre mal et il paierait, très cher. Il s'était attaché à elle à une vitesse impressionnante, ayant sa propre explication sur le sujet. On lui portait si peu d'attention, si peu d'intérêt, que le fait qu'elle lui parle comme à un être signifiant l'avait touché sans qu'il ne s'en rende compte directement. Ellie était l'une des rares personnes – si ce n'est la seule – avec qui il pouvait discuter sans se sentir jugé ou regarder de travers, sans se sentir comme un être terrifiant.

Personne n'était donc au courant du lieu qu'ils allaient rejoindre, personne ne pourrait les déranger, et dans un sens il avait sans doute choisit d'agir ainsi pour être un peu seul en sa compagnie. Ils finissaient toujours par être séparés par l'intervention d'un tiers lorsqu'il se trouvait à l'industrie Stark et il devait avouer qu'il aurait apprécier plus de temps rien qu'avec elle. Pour apprendre à la connaître, en dehors de son « rôle » de petite amie cachée... Elle aussi n'était pas comme tout le monde. Différente. Il avait apprit très tôt que l'eau était son élément de prédilection et il trouvait étrangement que cela lui correspondait parfaitement. Non pas qu'elle était aussi transparente que l'eau, au contraire, il semblait qu'Eleanor était bien plus complexe qu'elle n'y paraissait. Mais le calme, la sérénité... c'était bien elle. Il attendait juste de voir quand est-ce qu'elle montrerait son côté plus... tempétueux. Si seulement elle en avait bien un, ce dont il allait vite douter si elle continuait de se montrer si gentille et attentionnée.

Un sourire commença à s'afficher sur ses lèvres à mesure qu'ils se rapprochaient de l'endroit visé et lorsqu'il se gara finalement, s'est comme un enfant qu'il sortit de la voiture, courant presque pour aller ouvrir la porte à la jeune femme.

« Respire un grand coup, l'air frais ne pourra pas te faire de mal. »

Du sable fin, une mer légèrement agitée, des roches humides et froides. Un paysage agréable et beaucoup moins chargé que la ville de Washington. Le vent soufflait dans ses cheveux mais c'était loin de le déranger et il ne pensait pas se tromper en pensant qu'elle apprécierait également ce contact. Le soleil était encore assez haut, bien que l'après-midi était déjà bien entamé. Ici, pas de pluie, rien que de grands rayons lumineux et quelques nuages blanc dans le ciel. L'endroit était désert – si on ne comptait pas les quelques randonneurs se baladant à travers les rochers. Après tout, eux n'étaient pas ici pour profiter du chemin de pierres. Si la majorité de la population était découragée par la température trop basse de l'eau pour se baigner, lui était bien venu dans l'optique de profiter un peu de cette étendue bleue.

« L'endroit te convient ? J'ai pensé que ça pourrait... te détendre, de te dégourdir en pleine nature. »

Et si ça ne suffit pas et bien, je trouverai d'autres moyens pour t'apporter un peu de joie. Il ne souhaitait qu'une chose, voir le regard d'Eleanor s'illuminer, la sentir revivre dans un environnement qu'elle chérissait... Il savait bien qu'elle n'était pas faite pour rester entre quatre murs.

« J'ai prévu ce qu'il fallait, tout est dans le coffre. On a même de quoi manger, on peut s'attarder autant qu'on le veut ! Enfin pas que je veuille te forcer à rester longtemps... – Il se gratta l'arrière de la tête, ses lèvres crispées, sentant bien qu'il commençait à s'embrouiller. – Hum, je vais sortir tout ça, je te laisse aller tester la température. »

Maintenant, baisse la tête et tais toi, t'as l'air complètement idiot. Se dirigeant vers l'arrière de la voiture, William en sortit deux serviettes de plages et les deux sacs qu'il avait préparé, l'un dans lequel se trouvait de quoi se nourrir et se déshydrater, l'autre contenant leurs maillots de bain. Il s'en était procuré un pour Ellie, ne sachant pas si elle irait se baigner directement en vêtements ou si elle avait une queue de sirène qui apparaissait dès qu'elle touchait de l'eau... ne sachant pas grand chose en fait. Il allait installer le tout sur le sable, frissonnant légèrement lorsqu'il fut frappé par un coup de vent. Les vagues n'étaient pas très impressionnantes certes mais... c'était beau. Il n'avait pas souvent eu l'occasion de voir des plages, sortant très rarement, et à vrai dire il avait surtout trouvé cet endroit en cherchant où Eleanor aimerait se rendre. Il voulait simplement lui faire plaisir.

A peine s'était-il débarrassé du poids de leurs affaires qu'il sentait quelque chose – quelqu'un, c'était plus probable – le heurter de plein fouet. Ce contact soudain aurait pu le faire reculer, lui qui n'était pas habituer aux marques d'affection. La dernière fois qu'on l'avait serré ainsi c'était certainement... lorsqu'il était encore gamin, oui. Et encore. Sans savoir comment réagir, il resta juste là, debout, les bras tombant le long de son corps, ses yeux baissés en direction de la magnifique chevelure d'Ellie. Comment elle pouvait faire pour avoir une couleur pareil ? Pourtant, il avait entendu dire qu'abuser des teintures ça abîmait les cheveux, et elle qui pouvait passer de l'or blanc au brun profond semblait ne pas être touché par ce genre de problèmes. Dire que Stark pouvait les toucher quand il le voulait.

Il déglutit péniblement lorsqu'elle s'adressa à lui, se contentant d'hocher la tête sans un mot. C'était perturbant, tant de proximité d'un coup alors qu'il avait été habitué à une distance de respect bien définie. Elle avait froid et il avait froid aussi, du coup. Mais en même temps c'était très chaleureux comme geste... C'était agréable, il n'allait pas le nier. Il eut l'impression que cet instant dura de longues et interminables minutes lorsqu'elle se détacha finalement. William tenta de lui adresser un sourire rassurant, il n'allait pas lui en vouloir d'avoir montrer sa reconnaissance de cette manière après tout.

« Je t'ai totalement mouillé. »

Oh en effet. Il était vraiment trempé, du moins son tee-shirt avait prit un bon coup d'eau salée. Passant une main dans ses cheveux, il haussa les épaules, se fichant bien de l'état dans lequel pouvait se retrouver ses vêtements. Par contre la sensation de l'eau qui collait le tissu à sa peau, ça c'était pas très cool. Heureusement qu'il avait un pull quelque part par là, au moins il aurait de quoi se couvrir pour ne pas attraper froid. Ce qui risquait d'arriver s'il restait là exposé au vent, alors qu'il est humide de la tête au... au bassin.

« C'est rien, je le vis plutôt bien. »

Ça lui faisait du bien de la voir comme ça, plus souriante et... vivante qu'en temps normal. Rien ne pourrait le contrarier au moins pendant les sept prochains jours, il lui suffirait de repenser à ce moment pour se sentir tout de suite mieux.

« Ah oui, j'aurais dû commencer par en enfiler un. Je fais rarement les choses dans le bon ordre. Et maintenant, c'est trop tard. »

Cela n'enlevait rien à son charme. Ses cheveux écrasés par le poids de l'eau lui tombait sur le visage, parcouru de gouttes d'eau claire, et même avec une tenue complètement ruinée par sa baignade, elle restait magnifique. Il faisait à peine attention au fait qu'il était en train de geler sur place.

« Bon, j'y retourne sinon je vais me transformer en glaçon ! Est-ce que tu auras l'audace de me rejoindre ? »

Est-ce qu'il devait le prendre comme une invitation au challenge ? Il laissa échapper un sourire et il devait avouer que, même si la proposition le tentait et bien... C'était pas un peu... froid ? A peine l'avait-elle touché tout à l'heure qu'il avait frissonné – enfin, c'était peut-être pas à cause de la température, d'un côté. Oh et puis, on a pas trente six milles fois l'occasion de se baigner en pleine mer quand on habite dans une grande ville et qu'on a un métier à plein temps, autant ne pas gâcher ce moment en restant assis pendant des heures. Certes William aurait pu se contenter de la regarder de loin, de l'observer évoluer dans son milieu favori, mais ça aurait pu sembler déplacé de sa part quand même.

« Tant qu'on fait pas de courses de longueur ou de vitesse, ça me va. Je sais très bien que contre toi j'ai aucune chance de gagner et ça risque de blesser mon égo, je préfère pas prendre le risque ! »

Sans attendre plus longtemps, il retira son tee-shirt déjà trempé, ses chaussures et chaussettes qu'il laissa traîner dans le sable et... ouais il en faisait quoi de son jean ? Finalement, il prit la serviette qu'il entoura autour de sa taille, le maillot de bain dans une autre main, et s'appliqua à user de la technique ''cabine d'essayage de plage''. Il n'avait jamais eu l'occasion de tenter de se changer de cette manière mais bon, après tout, il avait pas trop le choix. Retirant pantalon et sous-vêtement, il enfila avec autant d'application que possible son maillot. Personne avait rien vu ! Faisant tomber la serviette (c'est que ça devient chaud) il ne perdit pas plus de temps et s'élança vers l'étendue bleue.

« OH MON DIEU! » Au moins ça confirmait ce qu'il pensait à la base : c'était bel et bien froid. Comme dans un congélateur à peu près, sauf qu'il ne s'était jamais plongé le corps entier dans un congélateur comme ça. Il hésita à sortir, commençant à faire demi tour mais, hors de question de se montrer lâche devant Eleanor. « Hum, c'est que.... Ouh, choc thermique. »

Respirant à grandes bouffées, il tentait tant bien que mal de se réchauffer en se frottant les bras sous l'eau, n'allant néanmoins pas plus loin que l'endroit le plus profond où il avait encore pied. Il se gardait bien de dire depuis tout à l'heure que ces talents en natation étaient moindres, étant donné le peu de fois qu'il avait eu la chance de pouvoir tenter l'expérience. Sauf qu'il se trouvait en compagnie d'une jeune femme plutôt... excellente, inégalable même dans cette catégorie.

« Je... Je vais rester un peu là. Je te laisse aller admirer les profondeurs ! Je suis pas un petit poisson moi, c'est pas mon domaine tout ça. »

Non, non il n'avait pas peur. Non ça ne se voyait pas à sa tête qu'il flippait. A dire vrai c'était plus le fait de devoir avouer qu'il n'était pas très doué plutôt que de s'aventurer plus loin dans l'océan qui le désarçonnait un peu. Il n'était pas censé montrer ses petites faiblesses à celle qu'il protégeait. Ça ne semblait pas du tout logique... et pas du tout valorisant.

L'expression « comme un poisson dans l'eau » convenait à Ellie mieux qu'à personne. Ce n'était plus nager, c'était se fondre à l'eau, accompagner ses mouvements, la faire danser tout autour et profiter de chaque contact. William ne pouvait pas imaginer une seule seconde ce qu'elle pouvait ressentir lorsqu'elle se plongeait entièrement dans l'océan, lorsqu'elle sentait le mouvement des vagues auxquels elle se mariait, mais il se doutait que cela devait être... magique. Parfois, il ne regrettait pas seulement d'être mutant, il regrettait que sa mutation ne lui apporte pas ce genre d'osmose retrouver avec les éléments. Ça avait l'air tellement plus paisible, de pouvoir créer quelque chose avec de la terre, des roches, du vent... plutôt qu'avec ce que les gens avaient dans la tête.

Il la perdit de vue un instant mais ne s'inquiéta pas pour autant. A vrai dire, même si elle aurait désiré s'enfuir, partir loin d'ici, il ne l'en aurait sans doute pas empêcher. Peu importe si cela signifierait qu'il ne la reverrait jamais, il était prêt à en arriver là si cela pouvait l'éloigner de l'influence de Stark... Quelque chose finirait par mal tourner, il le sentait, ou peut-être se faisait-il des films, il ne savait plus quoi penser. Il avait vu tellement de gens souffrir qu'il finissait par voir le mal partout, le pire pouvait arriver n'importe quand, en particulier chez les gens qui le fréquentait trop souvent. Ça ne devait pas arriver avec elle. Il ferait son possible pour que ça n'arrive pas. Au départ, il avait voulu s'en aller, pour être certain qu'elle ne risquait rien à ses côtés, les gens qui l'avaient approcher ayant tous finit par le regretter. Mais pas avec Ellie. Et si jamais par malheur il venait à la faire souffrir, de quelques manières que ce soit... Il partirait. C'était la promesse qu'il s'était faite : Tant que tu n'es pas un danger, reste. Si jamais tu la blesse, va-t-en, aussi vite que possible. Il avait interdiction de faire preuve d'égoïsme en décidant de rester près d'elle parce qu'il avait finit par trop s'attacher. Il devait absolument tout faire pour qu'elle aille au mieux. C'était son devoir, ce pour quoi en le payait, non ?

Prenant une grande inspiration, c'est à ce moment là qu'il sentit quelque chose commencer à le chatouiller sous le genoux. Il baissa la tête mais la lumière du soleil dans ses yeux et la teinte foncée de l'eau l'empêchait de voir plus loin que sa taille. Il n'était pas particulièrement rassuré, c'est vrai mais... Ce n'était rien. Sans doute une algue. Y'avait des algues ici ? C'était peut-être au requin, dans le pire des cas... Un requin ?

« Hum, Eleanor ? Tu sais parler aux poissons non ? »

Pas sur qu'elle l'entende, elle devait être bien loin maintenant, en train d'explorer les fonds marins. Peut-être même à des kilomètres, tellement elle était rapide. Son rythme cardiaque s'accéléra sensiblement et il commença à se demander si ses illusions marchaient aussi sur les petits animaux. C'est vrai, il n'avait jamais vraiment tenter le coup... pas même sur un chien. Ce serait intéressant de voir s'il pouvait traumatiser un chat ou, dans le cas présent, un poisson pour qu'enfin on le laisse tranquille... Non, on ne pouvait pas dire qu'il avait la fibre... euh... animale ? Il ne travaillerait jamais à la spa en tout cas.

Will ne comprit pas vraiment ce qui se passa par la suite, sentant juste quelque chose l'entraîner dans l'eau, tombant sur le côté alors même qu'il était en train d'inspirer, ce qui lui fit avaler plus d'eau que de raison. Faisant des mouvements bien inutiles avec ses jambes, il ferma les yeux et tenta de se concentrer sur autre chose que sa noyade. Il avait tellement l'habitude de changer les émotions des gens grâce à ses images, il pouvait bien réussir à trouver un moyen de transformer sa panique en tranquillité...
Il hésitait à respirer, ne sachant plus déterminer s'il se trouvait encore sous l'eau ou au-dessus. C'est seulement quand il sentit le contact du sable sur sa peau qu'il osa rouvrir les yeux, un peu trop vite sans doute parce qu'un mal de tête prenant s'imposa à lui.

« Je ne pensais pas parvenir un jour à noyer pratiquement quelqu'un dans un mètre d'eau. »

Lui non plus n'imaginait pas que c'était possible à ce point-là, surtout pas qu'il serait le presque noyé en question... Au moins, ça la faisait rire. Penchant sa tête sur le côté, il toussa longuement en recrachant l'eau qui lui restait au fond de la gorge, se relaissant ensuite tomber sur le dos. Il devait avoir une tête horrible. Il aurait eu envie de se cacher derrière ses mains mais c'était pas la peine d'y penser, à moins d'avoir envie de paraître encore plus débile. Passant une main dans ses cheveux tout aplatis – même si ses boucles résistaient quand même un peu – il s'appliqua à reprendre son souffle, lentement mais sûrement.

Il distinguait à peine Ellie au-dessus de lui bien qu'il sentait sa main tenir son visage. L'avantage c'est qu'il n'avait plus du tout froid, après avoir totalement plongé – pas vraiment volontairement – et avoir frôlé la crise cardiaque plus que la noyade, la température moyenne de son corps avait brutalement augmenté.

« Ouf, c'était moins une. Quelques secondes de plus, et je crois que tu perdais connaissance. On l'a échappé belle. Je me serais mal imaginée en train de te faire du bouche à bouche pour te ranimer. J'ai été recalé à mon examen de secourisme. »

Il ne put s'empêcher de sourire face à sa réaction. Pas d'air paniqué, pas d'affolement injustifié, juste un détachement total et une touche de spontanéité.

« J'aurai eu... Il toussa de nouveau, se redressant légèrement. Sa bouche était sèche et salée au possible. J'aurai eu du mal à réanimer tout seul. Je suis doué mais j'ai des limites... comme tu viens juste de l'observer. »

C'était gênant, un tout petit peu, beaucoup peut-être. Heureusement qu'il avait le sens de l'auto-dérision, en général du moins, c'est simplement que son public aujourd'hui – autrement dit Eleanor – était l'un de ceux qu'il ne voulait pas le moins du monde décevoir. Tout le monde avait quelques lacunes quelque part, il avait juste espéré ne jamais avoir à dévoiler les siennes. Quoi que, avoir des faiblesses, ça rend les mutants un peu plus humains, c'était... une bonne chose. Peut-être bien, peut-être non. C'était un sujet sur lequel il n'avait pas envie de délibérer aujourd'hui.

« Je suis pas très agile dans l'eau... Pas du tout ? Je n'ai pas vécu dans un environnement qui m'ait permit de prendre des cours de natation. Il se massa l'arrière du crâne, affichant une légère grimace. Le coup de l'eau ayant tenté de pénétrer dans ses poumons lui était légèrement monté à la tête, il fallait le temps pour que ça redescende. Toi par contre... On dirait que... C'est comme si tu étais composée à 100 % d'eau et que tu te fondais complètement dedans... C'est vraiment beau à voir. »

Il n'allait pas non plus lui dire directement qu'elle était vraiment belle à voir, même si on n'avait déjà du lui faire ce genre de compliments des millions de fois.

« Je pense que je vais m'abstenir de t'accompagner pour aller te baigner cette fois, ou je vais attendre que tu sois très loin pour ne pas me faire avoir une seconde fois. Il laissa échapper un léger rire, après tout il aurait presque pu croire qu'elle essayait de le tuer, c'est pas n'importe quoi hein ! J'ai très soif. Je vais aller me poser près de nos affaires... quand je pourrai me lever sans avoir de vertiges, si jamais tu cherches à me retrouver. »

Il lui adressa un sourire presque prévenant, alors qu'il pouvait à peine l'observer avec le soleil dans son dos, hypnotisante malgré tout avec les impacts des rayons sur les gouttes d'eau qui la parsemait toute entière. Elle ne se rendait certainement pas compte de l'effet qu'elle pouvait faire aux gens, qu'elle pouvait lui faire. 

Pour lui, il n'y avait aucun doute : Eleanor irait replonger à la seconde même où il aurait terminé de s'adresser à elle. C'était bien pour ça qu'il l'avait emmener ici, pour qu'elle puisse en profiter autant que possible ! Et peu importe quand elle lui redemanderait, il n'hésiterait pas à la ramener en bord de mer si elle le voulait. Pourtant, contre toute attente et à sa grande surprise, elle commença à vouloir l'aider à se redresser – ou le traîner, c'était difficile à dire. Elle avait l'air tellement fragile, jamais elle n'arriverait à le tirer sur plus de deux mètres. C'était quand même bien drôle de la voir essayer.

William ne put s'empêcher de rire lorsque sa tentative échoua et qu'elle se retrouva proche de la chute... proche ? Oh non, elle venait bien de s'écraser sur lui, ce qui mit tout de suite fin à son hilarité. Il distinguait clairement chacun de ses traits, son visage sans aucun défaut, ses yeux brillants et sa chevelure éclatante. Un spectacle plutôt plaisant à vrai dire. Il sentit son rythme cardiaque s'accélérer de manière imperceptible et du contrôler sa respiration, au risque de paraître plus qu'étrange. En temps normal, lorsqu'une personne était aussi proche que ça de lui, c'était la panique qui l'envahissait, la peur de faire du mal, l'angoisse et l'embarras. Un flot de sentiments bien désagréables – ce n'est pas pour rien qu'il évitait d'approcher les gens en général, le contact physique et lui... ce n'était pas très compatible. Pourtant, là, bien qu'évidemment il ne se sentait pas très à l'aise, il ne trouvait pas ''l'expérience'' désagréable.

Il s'éclaircit légèrement la gorge lorsqu'elle se releva, lui-même délaissant sa position allongée pour s'asseoir en tailleur sur le sable. Il fallait vraiment qu'elle arrête de le perturber comme ça, c'était loin d'être professionnel. D'accord, elle avait un impact indéniable sur lui, sur sa personnalité, sur sa façon de voir les choses et les gens... mais ça ne devait pas aller plus loin. Il ne fallait pas qu'il commence à se faire des idées sans fondements.
Willy ne préféra pas prendre en note la remarque qu'elle venait de faire, ce n'est pas comme si elle avait tord, il n'était pas un poids plume. Beaucoup de muscles, c'est pour ça. C'était un mec, un vrai, après tout.

« Tiens, voilà à boire. »

Se retournant vers elle, il lâcha un sourire en coin en la voyant là, emmitouflée dans sa serviette de plage, avant de s'emparer de la bouteille et d'en boire plusieurs gorgées. Il avait l'impression d'être totalement déshydraté, trop d'émotions. Il la reposa près de lui dans le sable, à portée de main, observant le paysage sans savoir quoi dire... mais il n'eut pas besoin de lâcher un seul mot, Ellie en prit assez rapidement l'initiative.

Comme quoi, avoir été dans une situation assez peu valorisante lui apportait malgré tout quelques privilèges. On ne pouvait pas dire qu'il appréciait les surprises mais venant d'Ellie, cela devait valoir le coup. Même si... « Par contre, je te préviens tout de suite : il se peut que j'essaie à nouveau de te tuer au cas où tu ne garderais pas le silence sur ce que je vais te montrer. » Ça avait le mérite d'être très clair. Certes cela l'intriguait mais il était surtout très flatté d'être l'un de ceux à qui elle allait montrer quelque chose d'unique – du moins c'est comme ça qu'il se le représentait, sinon pourquoi donc lui imposer le silence ? Elle ne craignait rien, William garderait ça pour lui avec plaisir.

Hochant la tête de haut en bas, il observa avec curiosité sa main qui contenait le sable en remarquant que c'était là qu'elle portait toute sa concentration. Fronçant les sourcils et ouvrant de grands yeux, il resta bouche bée devant ce qu'elle lui présenta. Un animal, un oiseau, une vraie créature de sable était en train de se créer devant lui, mais pas seulement. Lorsqu'il commença à bouger, William retenu une exclamation. Il en avait vu des choses, avec les mutants qu'il avait pu croiser – pas un grand nombre mais avec des capacités extraordinaires – seulement c'était toujours différent quand le ''spectacle'' était donné rien que pour vous. Le plus étonnant se produit sans conteste lorsque des couleurs commencèrent à parsemer l'animal, qui sembla plus que réel. Était-elle vraiment en train de donner la vie à un élément à la base inanimé ? N'était-ce pas inconcevable ? William avait depuis longtemps perdu la notion de ce qui était et de ce qui n'était pas envisageable. Aujourd'hui, tout lui semblait possible, le meilleur comme le pire.

« Vole... vole... » Autant subjugué par la voix d'Ellie que l'était l'oiseau – s'il était encore simplement fait de sable ? Il était incapable d'en juger – Will loupa une inspiration lorsque qu'il se désintégra soudainement, s'effritant à leurs pieds. « Je n'arrive jamais à me concentrer suffisamment pour qu'il vive vraiment. »

Alors, c'était bien ça. Elle pouvait... créer puis détruire. Encore un peu perturbé parce ce qu'il venait de voir, William mit un certain temps à réagir. Sa méfiance naturelle revenait au galop malgré qu'il tenta tant bien que mal d'éloigner ses pensées étranges qui l'assaillaient. Il s'imaginait toute une armée de créatures créée par ce sable qu'elle apprenait à manier, détruisant des innocents afin de pouvoir prendre le contrôle sur de pauvres humains sans pouvoirs, chaque être ressuscitant de ses propres ''cendres'' dès qu'il tombait... Secouant la tête, il se traitait intérieurement d'homme stupide. Comme si Ellie était capable d'une chose pareille... Elle, non, mais n'importe qui pourrait tenter de l'utiliser. C'était très utile comme pouvoir. Très puissant, si on le travaillait et l'aidait à évoluer... Seulement, elle lui avait bien fait comprendre qu'elle n'en avait parlé à personne d'autre – sauf peut-être Tony ? Qui sait ce qu'elle pouvait bien lui dire à celui-là.

« C'est... impressionnant. » Il n'était pas dupe et voyait bien qu'elle évitait le moindre contact visuel. Il connaissait ça mieux que personne : la peur du jugement. Elle était bien la seule qu'il ne voulait pas juger... elle n'avait rien fait de mal. Cet aspect de sa mutation pouvait peut-être s'avérer dangereux, mais il savait – il espérait profondément – qu'elle saurait en user de la meilleure manière possible. « Depuis quand tu peux... faire ces choses ? »

William était toujours extasié – bien qu'également prudent et un peu craintif – face à ce que les autres mutants étaient capables de faire. A côté, il avait l'air bien beau tiens, avec ses simples illusions. Parfois il en venait à se dire que même en ayant récupéré sa mutation, il était bien inutile. On trouvait meilleur que lui à tous les coins de rues... C'était à la fois rassurant parce qu'il se trouvait ainsi moins dangereux, mais frustrant dans un sens même s'il n'avouerait jamais avoir un jour désirer être plus... puissant.

« Je suis persuadé qu'un jour tu arrivera à le faire exister pour de bon. » Il ignorait si c'était vraiment ce dont il voulait la persuader. Serait-ce réellement une bonne chose si elle y parvenait ? « Et j'espère bien être là quand ça arrivera. » ajouta-t-il avec un sourire.

Il voulait la rassurer, lui montrer autant que possible qu'il ne la fuirait pas ou ne l'insulterait pas à cause de ce qu'elle venait de lui confier. Au contraire, une tonne de questions lui venait en tête – par l'envie d'en connaître plus sur Ellie et la manière dont elle le vivait, mais sans doute aussi par pur réflexe là encore. Où il pouvait récolter des informations, il en prenait... comme si un jour ça pourrait l'aider à se protéger ou à protéger autrui. Étrange comme mode de fonctionnement mais il n'y prêtait même plus attention, il collectait seulement ce qu'on lui donnait.

« C'est sans doute fatiguant non ? De faire exister quelque chose qui n'est pas supposé vivre. Je sais que... c'est déjà assez complexe et épuisant de manier l'irréalité, ce qui n'existe pas et n'existera jamais que dans les esprits, alors faire en sorte qu'un être non-vivant atteigne une dimension... disons, organique... C'est tellement, tellement unique. »

Pris dans ses pensées, il ne se rendait pas compte qu'il partait dans des réflexions peut-être un peu trop poussées. Ils n'étaient pas là pour disserter sur la difficulté de gérer une mutation ou une autre, mais pour se détendre, non ? Il ne voulait pas non plus l'assommer avec ces discours inutiles et relativement barbant. Même lui se rendait compte qu'il partait trop loin.

« Enfin, je suis admiratif ! » Inconsciemment, sans vraiment calculer son geste, William alla poser sa main sur la sienne, dans une démarche se voulant apaisante. « Ce que tu fais, c'est magnifique. Faudra m'apprendre à faire la même chose un jour ! »

Il se mit à rire à nouveau mais ne sembla pas pour autant se rendre compte qu'il était en train de se montrer trop familier avec celle qu'il devait protéger.

''J'avais transformé la matière mais elle était morte avant même de naître.'' C'était horrible, dans un sens... il comprenait à quelle point cela devait être dur à regarder. C'était comme former... former de la mort, au fond. Il pouvait ressentir les émotions auxquelles elle était confrontée. Pas de la même façon, ce n'était pas réellement comparable. Simplement que lui aussi pouvait montrer la mort aux êtres vivants s'il le souhaitait, même quand il ne le souhaitait pas à vrai dire... elle n'était pas véritable mais les gens y croyait, pour eux, elle était bel et bien là, et ça les faisait souffrir, et ça lui faisait mal. Alors il pouvait savoir ce que c'était que cette douleur dont elle parlait.

Peut-être que ça les rapprocherait ? Quelle idée. Quelque chose ne tournait pas rond, il le sentait. Cela se voyait clairement à l'expression qu'elle arborait, à l'attitude qu'elle adoptait. William ne fut pas plus surpris que ça qu'elle détacha sa main, à vrai dire il était davantage étonné de trouver sa main sur la sienne. Il avait été trop loin sans même le réaliser et cela allait tout détruire. Détruire quoi, exactement ? C'est pas comme s'il y avait quoi que ce soit de déjà construit. Sans savoir exactement pourquoi, il était soudainement anxieux. Il ne voulait pas paraître trop entreprenant, il ne voulait pas qu'elle voit en lui quelqu'un d'intéressé – que ce soit par la fortune de son petit ami ou par elle, par son corps... Il n'était pas comme ça. Il méritait d'être connu. Il n'était pas quelqu'un de mauvais. Il ne voulait pas l'être et surtout, surtout pas qu'elle le pense.

« J'aimerais savoir une chose : est-ce que tu m'as emmenée ici de ton plein gré ou est-ce qu'on t'a dit de le faire ? »

Une boule se forma dans son ventre, impossible à supporter, l'étouffant presque. Pour qui le prenait-elle ? Il ignorait quelle réponse était la plus intelligente à donner. Lui confirmer qu'il était le seul initiateur de cette balade et l'effrayer encore plus ? Parce qu'il était évidant qu'elle craignait qu'il soit trop... proche d'elle. Ou devait-il mentir ? Mentir à nouveau et se blesser lui-même pour la rassurer sur ses motivations ? Sa tête tournait, un contre coup de sa presque-noyade, c'est ce qu'il préférait penser. Il restait sans doute un peu d'eau en trop dans son organisme.

William n'aimait pas la voir ainsi, aussi distante... Comme au tout début. Elle avait toujours été comme ça au fond, inatteignable, même en lui révélant des informations qu'elle n'avait dite à personne d'autre, elle restait aussi lointaine, intouchable. Pas seulement parce qu'elle était avec Stark, mais parce que... il avait l'impression que cela faisait partie d'elle. Qu'elle ne s'attachait pas, pas même un minimum. Évidemment qu'il avait espéré qu'un jour il pourrait être le premier qui arriverait à la mettre en confiance et à casser ses barrières... comme elle était en train de le faire avec lui, elle l'aidait à s'ouvrir davantage. Pourtant, il n'avait pas l'impression que ça se déroulait aussi bien que ça avait commencé.

« Je pensais... enfin... j'étais persuadé que c'était lui qui t'avait demandé de m'amener ici... »

Était-il condamné à être dans l'ombre de cet homme ? Bien entendu, il s'agissait de son employeur et de la personne la plus importante aux yeux de la jeune femme, certainement. Il devrait faire avec, à chaque fois qu'elle serait avec lui, c'est à l'autre qu'elle penserait. Il ne s'était jamais fait d'idées à ce sujet, mais se prendre la réalité de plein fouet, c'était assez... et bien ce n'était pas des plus agréable. Comme quoi, sa mutation lui convenait peut-être bien au final, les illusions, les non-dits, les milliards de possibilités qui n'étaient pas explorées et qu'il pouvait en quelques sortes faire exister... c'était moins contraignant que les trajectoires droites et sans détour de la vraie vie.

Ouvrant sa bouteille d'eau pétillante et en buvant plus de contenu que nécessaire, il ne savait toujours pas ce qu'il pouvait, ou plutôt ce qu'il devait lui dire. Ellie devait déjà avoir son propre avis, peut-être même savait-elle déjà ce qu'il en était mais le questionner pour le tester. Il hésitait... entre fierté, égoïsme, désir de ne pas l'effrayer et la faire fuir... ce qui se rapportait à de l'égoïsme en fait. Qu'elle agisse comme bon lui semble. Qu'elle s'en aille si elle le souhaite. N'était-ce pas ce qu'il voulait ? La rendre libre et sans attache ?

« On m'a donné bon nombre d'ordres depuis que j'ai commencé ce travail, ordres auxquels j'ai obéi sans aucune exception. Mais... cette sortie, je l'ai planifié par moi-même. »

Sa gorge le brûlait alors même qu'il venait de s'hydrater, son cœur battait à tout rompre et ses muscles étaient tendus au possible. C'était la meilleure des réponses, non ? Celle qui impliquait de la franchise, bien qu'il ignorait si elle n'aurait pas préféré en entendre une autre version. Il aurait aimé en dire plus, expliquer que c'était simplement parce qu'il voulait lui faire plaisir, parce qu'il voulait la voir sourire... sauf qu'il ne le pouvait pas. Il devait donner une autre explication à son comportement, au risque de la voir s'éloigner encore, et encore, et encore... sans possibilité de la rattraper.

« Je suis désolé si je t'ai froissé ou si j'ai agi de manière mal placée. C'est simplement que je n'ai jamais réellement côtoyé de mutants par le passé, je n'en ai pas eu l'envie ni l'occasion, je n'étais pas vraiment satisfait par ma condition. »

Il fallait qu'il s'arrête. Maintenant. Au risque d'en dire trop.

« Quand on m'a contacté pour ce job, j'y ai vu l'occasion de pouvoir faire la connaissance d'une personne qui me ressemble... au moins, de loin. De voir ce que ça fait d'être traité normalement et pas comme quelqu'un de différent. A l'industrie, on n'a pas vraiment la possibilité de ressortir nos pouvoirs devant tout le monde, alors je me suis dis que venir ici, seulement entre nous, ça pourrait être une bonne expérience. »

D'un côté, ce n'était pas totalement mensonge que ce qu'il racontait. Il sentait vraiment qu'être en compagnie d'Eleanor provoquait un changement radical de son humeur. Il ne se sentait pas regarder de plus haut ou plus bas que la normale, il avait l'impression d'être comme les autres.

Se redressant un peu, Will évitait depuis le début de la regarder, afin de ne pas voir son visage et lire sur ses traits tous les ressentis négatifs qu'elle pouvait avoir à son égard.

« Excuse-moi si mon comportement te semble incorrect ou si mes intentions te paraissent inconvenantes. J'éviterai de prendre des initiatives à partir d'aujourd'hui, si ça te met mal à l'aise. »

Étrangement, s'imaginer qu'elle puisse se détacher définitivement de lui... ça faisait mal, ça aussi.

Tout était déjà écrit. Ellie allait hocher doucement la tête, restant sublime malgré sa froideur apparente et il ne dirait rien, resterait ici brisé à la regarder s'éloigner pour replonger dans l'océan, sa maison. William se demandait ce que ça devait faire, de la comprendre totalement. C'est ce que l'eau faisait non ? Elle arrivait à sonder les pensées de la jeune femme et à se lier à elle doucement, avec une élégance infinie. Cet élément lui convenait réellement bien. Insaisissable. Mais aussi vital, tout comme pouvant se montrer destructeur... Il secoua la tête, retenu un soupir. Voilà qu'il se mettait à avoir des pensées morbides et à se croire dans un film dramatique à l'eau de rose. Stupide, tu es stupide.

Autant dire qu'il fut surpris lorsqu'elle reprit la parole, dans un simple murmure. Non pas pour prononcer une sentence irrévocable mais plutôt pour le regonfler d'espoir... Le faisait-elle par simple gentillesse ? Pour ne pas le blesser ? Ou parce qu'au fond, elle non plus ne pouvait pas se dire que leurs chemins étaient destinés à se séparer maintenant, aussi brusquement ? Bien que c'était quasiment insupportable de la fixer – de l'admirer – alors que la conversation prenait cette tournure trop personnelle, il ne pouvait s'empêcher de soutenir son regard. Il se noyait littéralement dans ses yeux. Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il ressentait vraiment ? Était-ce un simple attachement comme il le prétendait ou bien plus qui se cachait derrière son cœur battant, son admiration et son désir de la préserver plus que tout au monde ? Il ne pouvait se permettre de tels sentiments, c'était s'engager dans le vide, vers un cul de sac, sans détour possible. Et en plus, t'es à moitié masochiste. Irrécupérable.

« Je t'interdis de cesser de me surprendre. » William ne put s'empêcher de sourire, avec un fond d'amertume. Elle voulait vraiment tester ses limites, n'est-ce pas ? Voir jusqu'où il oserait s'avancer pour elle ? Elle ne serait pas déçue, il pouvait le lui certifier. « Tu n'imagines pas ce que ça représente pour moi... Toute ma vie, je me suis sentie affreusement seule et incomprise, et tu... »

Et je... ? Il savait pertinemment qu'elle ne finirait jamais cette phrase, qu'elle n'exprimerait jamais les mot qu'il devinait derrière ce silence. Parce qu'elle ne pouvait les penser. Tu n'es plus seule. Tu n'es plus incomprise. Tant que je serai là, tu aura toujours quelqu'un près de toi, sur qui compter, peu importe ce qui pourra arriver. Ce n'était pas supposé se produire de cette manière. Il avait du mal à savoir ce qu'il devait en penser, de tout ça, et en même temps il avait l'impression qu'il savait exactement ce que ça signifiait. C'était vague, toutes ces paroles échangées, tous ces sous-entendus, ces non-dits déguisés... mais sans pouvoir l'expliquer ou le décrire, il arrivait à peu près à s'y retrouver.

« Je sais ce que tu éprouves. Ce ne sont pas tes intentions ni ton comportement qui sont inconvenants, c'est ta façon de me voir. Bon sang, tu me regardes comme si j'étais une oeuvre d'art ! Ce n'est pas possible... »

Il aurait bien rit mais ça aurait été mal placé, non ? Willy ne la voyait pas comme un tableau fixé dans le temps ou comme une statue de glace... non, elle se trompait sur ce point, même si elle devait avoir raison sur tout le reste. Ce n'était pas une œuvre d'art. C'était une artiste, capable de tellement de choses, capable de créer, de modeler, de fasciner par ses créations, par sa présence, par son talent et par son caractère. Et oui, oui, il était son premier admirateur mais ça, même lui ne se l'avouait pas. Il l'écouta attentivement, se demandant presque si elle parlait encore de Tony ou d'un homme dont il ignorait l'existence... Elle semblait à la fois inquiète et déterminée et tellement, tellement... dépassée ? Par ce qu'il lui faisait inconsciemment subir certainement. Il s'en voulait de lui imposer sa présence soudainement, d'avoir engager cette conversation indirectement, il aurait voulu lui dire d'arrêter, de tout oublier, d'aller se baigner pour se vider la tête, et ensuite ils rentreraient en faisant comme si rien ne c'était passé. Rien du tout. Il ne voulait surtout pas que quoi que ce soit change à cause de tout ça... c'était trop tard.
Non. Il ne voulait pas tout reprendre à zéro. Il pouvait changer et se remontrer professionnel, aucun soucis, mais pas tout reprendre à zéro comme s'ils ne s'étaient jamais rencontrer auparavant. Il en était incapable, il ne pourrait changer son regard à son égard, il n'en avait pas envie. Et démissionner ? Oh il aurait pu, pour la laisser tranquille, quelqu'un d'autre se chargerait de la protéger, de faire en sorte qu'aucun malheur ne l'atteigne, mais à vrai dire le salaire lui plaisait bien et il ne voulait pas retourner s'enfermer chez lui, sans bouger, sans voir personne… Ce qu'il ne voulait pas, c'était se retrouver seul, à nouveau. Égoïste.

« Je n'aime pas ce qui est en train de se passer... Peut-être que si les choses avaient été différentes... »

Arrête donc ce supplice, autant pour toi que pour moi. Rien n'était donc écrit ? Cela aurait été plus facile à gérer pourtant, s'il connaissait d'avance l'issu de cette étrange relation qu'ils menaient. Il n'aurait pas besoin de réfléchir à ses mots et ses actes, comme tout était déjà construit d'avance et qu'il ne pourrait aller à l'encontre de la fin prévue.

« Mais il n'y a qu'une réalité. Une seule. Celle dans laquelle on se trouve actuellement. »

Il était le mieux placé pour le savoir. Il avait créer tant d'univers parallèles pour des personnes tellement différentes, pas toujours à bon escient. Il savait à quel point les « si » pouvait être meurtriers. Autant pour le corps que pour l'esprit. Il ne voulait pas être de nouveau prisonnier de ses possibilités qui jamais n'auraient lieu, si ce n'est dans sa tête, dans ses schémas. Il était maudit à vie, c'était déjà assez lourd à porter comme ça.

Se redressant et se débarrassant du sable qui s'était accroché à ses jambes, il changea d'expression du tout au tout. Retrouvant un air plus jovial, plus rieur, c'était comme si leur discussion s'était déroulée des heures auparavant. L'art de masquer la vérité... il le maniait à la perfection.

« Je n'ai pas grand chose à perdre, tu sais. Et quitte à occuper mon temps, autant le faire correctement. C'est plutôt glorieux de dire que je travaille un peu comme un garde du corps... et ça plaît aux filles, le côté protecteur je suppose. »

Comme s'il était du genre à parler de son métier à toutes celles qu'il croisait. Il n'était pas un dragueur, pas à traîner dans les bars et à aborder chaque représentante du genre féminin avec un verre de whisky à la main... Plutôt à passer ses soirées de week-end devant la télé, avec un petit diabolo menthe, admirant la finale de The Voice. C'était pas très classe, mais c'était marrant. Il devrait vraiment penser à s'occuper d'une autre manière... s'acheter un chat peut-être, histoire de passer le temps. Ou un rhinocéros. Ou les deux.

Il ne voulait pas qu'elle essaie de le persuader à nouveau de lâcher l'affaire... parce qu'il était têtu et qu'elle l'était certainement aussi. Mais surtout qu'il ne pourrait rien lui refuser si elle insistait davantage et il ne voulait pas en venir là.

« Je vais aller faire un tour sur les rochers, la vue doit être pas mal de là-haut. Profites-en pour te baigner, on est venu pour ça, non ? Je ne sais pas quand j'aurai l'occasion de t'emmener ici à nouveau, alors restes-y autant de temps que tu le désire. Je suis là pour surveiller tes arrières. »

Lui adressant un sourire qu'il voulu amical, il alla enfiler son jean et sa paire de chaussures avant de s'éloigner vers le chemin rocailleux jouxtant l'étendue bleue. D'ici, il pourrait guetter n'importe qui tenterait de s'approcher de trop près, c'était malgré tout une de ses missions premières. Puis il pourrait respirer. Et réfléchir. A ce qu'il allait faire, à ce qu'il allait devoir changer, à ce qu'il allait devoir chercher... Parce que oui, quelque chose clochait, il en était maintenant persuadé. Il ne savait pas exactement ce qui se dissimulait derrière tous les avertissements d'Eleanor mais il finirait bien par trouver, il se le jurait.