Un de mes passe-temps préférés avait été de me détendre en me prélassant dans les jardins qui entouraient le manoir. Ils étaient d'une beauté frappante, et me permettaient souvent de faire le point sur moi-même, sur ma situation, et puis de faire le vide, tout simplement. J'avais pour habitude d'aller m'asseoir sur un banc abandonné du côté de l'aile ouest, et je n'avais pas perdu ce réflexe. En effet, malgré les quelques temps passés loin de l'Institut, ce fut le premier endroit vers lequel je me dirigeai inconsciemment, et ce n'est qu'une fois que mes fesses sur furent posées sur le banc en bois que je réalisai que j'étais revenue à un endroit familier, presque comme une routine que je n'avais jamais quitté. L'un des autres éléments qui faisaient que j'aimais venir ici, c'était de voir les élèves se balader le long des couloirs ouverts, de les voir rire entre eux et de discuter, malgré leurs différences. Différence. C'est ce que m'avait rabâché cet homme étrange que j'avais rencontré à Londres, il fallait embrasser nos différences, et les assumer. Il m'avait dit que j'avais un don exceptionnel, et que je ne devais pas le gâcher. Tout avait été si rapide. Une bourrasque de vent fit bruire les arbres, et je me blottis un peu plus à ma place, remettant en place les mèches de cheveux de ma crinière, qu'elles soit brunes ou argentées. Le frottement de mes gants en cuir m'avait toujours été familier, mais depuis le temps où j'avais été normale, je ne les avais plus mis. Mais là encore, mon naturel avait repris le dessus. N'ayant qu'un pull en voile par dessus mon débardeur blanc, je restai quand même à l'abri de tout contact corporel. Mes petits gants en cuir noirs constituaient ma plus grande défense. Les bras croisés autour de ma poitrine, je contemplai le paysage sans idée fixe, laissant mes souvenirs se bousculer dans mon esprit. Ce n'est que lorsque j'entendis craquer de nombreuses brindilles que je sortis de mes rêveries. En haussant un sourcil, je me retournai et vis une silhouette passer derrière les arbres dans mon dos. De ce côté là, personne n'y venait. Il n'y avait que les murailles de l'Institut, et au delà, des routes et des forêts. Quelque chose clochait, et mon instinct me disait que ce n'était sans doute pas un élève, ni même un X-Men. Dans le doute, je me levai, poings serrés, et je me dirigeai d'un pas résolu vers la source de ces bruits.

En avançant un peu plus à travers les rangs de pommiers, la silhouette en question se précisa, et je vis enfin que c'était une jeune femme. Amie, ennemie ? Confrériste peut-être ? Ou pire ? Je n'avais pas le temps de me poser toutes ces questions. « Qui êtes-vous ? Et surtout, que faites-vous là ? » Ma voix était ferme. La mâchoire serrée, j'ôtai un de mes gants avec une lenteur menaçante et je gardai ma main nue dans les airs, comme une arme pointée sur un ennemi potentiel. Tout le monde était bienvenu à l'Institut Xavier, du moment qu'ils passaient par la porte d'entrée.